Synopsis : La mort mystérieuse de Teresa Banks dans la tranquille petite ville de Deer Meadow va donner bien du fil a retordre aux agents Dale Cooper et Chester Desmond qui vont mener une enquête en forme de charade et découvrir que bien des citoyens de la ville sont impliqués dans cette affaire. Un an plus tard, ce sont les sept derniers jours de Laura Palmer, qui se termineront par la mort brutale de cette dernière annonçant ainsi le début de Twin Peaks, le soap opera.
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Alors qu’il a récemment déclaré vouloir se tenir éloigné des plateaux de cinéma, David Lynch, 71 ans, revient au cœur de l’actualité après un quasi silence, depuis son ultime long métrage anti-hollywoodien Inland Empire en 2001. Suite à la ressortie en salles du magnifique Mulholland Drive début mai, on peut découvrir depuis le 21 de ce même mois, sur Showtime, la troisième saison de la série-événement Twin Peaks, puis sur Canal+ depuis le 25, dévoilé en même temps qu’au 70e Festival de Cannes, en présence du réalisateur et une partie du casting. S’ajoutent désormais les ressorties au cinéma en copie restaurée 4K deux fleurons de sa filmographie depuis le 31 mai, à l’initiative de Potemkine Films : Twin Peaks – Fire Walk With Me et Eraserhead.
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1992, alors que la série Twin Peaks triomphe sur la chaîne de Silvio Berlusconi, La Cinq, vivant alors ses dernières heures, la société Ciby 2000 de Francis Bouygues décide de produire pour le cinéma, avec David Lynch, Twin Peaks – Fire Walk With Me. Cette préquelle à la série livre de nombreuses clés sur l’enquête concernant le meurtre sordide de Laura Palmer. Après une introduction qui place les deux agents du FBI Chester Desmond (le chanteur Chris Isaak), et Dale Cooper (toujours Kyle McLachlan) sur la piste du meurtre d’une autre jeune fille, Teresa Banks, dans la contrée soi-disant paisible de Deer Meadow, l’intrigue se déroule un an plus tard. Le récit se concentre sur les derniers jours de la vie de Laura Palmer, reine du lycée aimée par la petite ville de Twin Peaks, qui semble figée dans les années 1950 avec ses habitants gentiment timbrés cachant de lourds secrets. Nous faisons la connaissance de quelques personnages bizarres, comme Carl Rodd (Harry Dean Stanton) et d’un autre agent du FBI tout aussi étrange, Phillip Jeffries (David Bowie). Lynch fait également une apparition toute hitchockienne dans la peau du chef du FBI à moitié sourd, Gordon Cole. Prolongeant l’univers profondément riche et décalé de la série, définie par son créateur Mark Frost comme un miroir des bizarreries de l’Amérique, Twin Peaks – Fire Walk With Me donne l’occasion à la blonde Sheryl Lee de développer avec excellence son personnage de Laura Palmer.
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Bien que placée au cœur de l’intrigue, la comédienne faisait davantage office de toile de fond dans la version télévisée. Le long métrage suit Laura dans sa vie en découvrant peu à peu ses démons et ses activités cachées pour le moins malsaines. Un exutoire du triste quotidien de cette jeune lycéenne fragile et élevée par un couple parental dysfonctionnel : Leland Palmer (Ray Wise), père puritain à tendance incestueux, marié à Sarah Palmer (Grace Zabriskie), mère névrosée et trouillarde. Son seul refuge, la jeune Laura couche ses pensées sur son journal intime, élément qui devient essentiel dans l’enquête par la suite. L’émotion est au rendez-vous avec le personnage de Laura, dont on devine les fêlures et dont on connaît dès le départ le destin funeste. Le ton est donné et le monde étrange de Laura se révèle de plus en plus noir, dérivant vers une véritable descente aux enfers. Twin Peaks – Fire Walk With Me s’avère d’ailleurs plus sombre et violent que la série. La scène finale, traumatisante, avec la révélation du meurtrier, lorgne même vers le cinéma d’horreur.
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On retrouve une partie des personnages phares de Twin Peaks, comme James (James Marshall), le petit ami de Laura, Bobby Briggs (Dana Ashbrook), Leo Johnson (Eric Da Re), Jacques Renault le barman (Walter Olkewicz), Norma Jennings (Peggy Lipton) ou encore Margaret Lanterman dit « la Femme à la bûche » (Catherine E. Coulson, décédée en 2015). On explore à nouveau le monde parallèle des rêves avec la fameuse Red Room (Chambre rouge), habitée par L’homme venu d’un autre endroit, ce nain vêtu de rouge qui parle à l’envers (Michael J. Anderson), le bûcheron (Jürgen Prochnow), Mike le manchot (Al Strobel) ou le terrifiant Bob (Frank Silvano) qui hante les nuits de Laura depuis son enfance en apparaissant dans les recoins de sa chambre. La réalité se fissure dans Twin Peaks – Fire Walk With Me, laissant régulièrement place à la dimension des contes de fée et bifurquant vers le fantastique.
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La douce Laura est à l’image d’Alice de Lewis Caroll qui traverse le miroir, découvrant un abîme de noirceur et de saleté sous la surface propre du monde. Un thème qui obsède David Lynch depuis son magnifique Blue Velvet, et qu’il ne cesse de traiter par la suite. Par un jeu d’énigmes, de symboles et de codes ésotériques, le mystère semble s’épaissir à mesure que l’intrigue se dévide. Mieux vaut être familier de la série avant de voir Twin Peaks – Fire Walk With Me, l’un des meilleurs longs métrages de David Lynch. Comme de coutume, le réalisateur en profite pour expérimenter le matériau cinéma, à la façon d’un sculpteur travaillant la glaise, à l’instar de l’admirable longue séquence dans le bar qui procure une sensation de trip via un savant jeu sur les dialogues, la musique et le montage. Mention également à la partition de Angelo Badalamenti qui emmène le thème original vers des sommets à la fois aériens, lumineux et d’une noirceur profonde et mélancolique. Assez froidement accueilli lors de sa présentation au Festival de Cannes en 1992, puis rejeté par la critique et le public, Twin Peaks – Fire Walk With Me mérite une réévaluation avec cette ressortie exceptionnelle de Potemkine Films en version restaurée 4K.
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>> Notre critique ressortie de Eraserhead <<
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- Ressortie de TWIN PEAKS – FIRE WAL WITH ME de David Lynch depuis le 31 mai 2017 en version restaurée 4K et disponible en Blu-ray et DVD à partir du 4 juillet.
- Avec : Sheryl Lee, Moira Kelly, David Bowie, Chris Isaak, Harry Dean Stanton, Ray Wise, Kyle MacLachlan…
- Scénario : David Lynch, Robert Engels, Mark Frost
Production : Francis Bouyges, Gregg Fienberg - Photographie : Ronald Victor Garcia
- Montage : Mary Sweeney
- Décors : Leslie Morales
- Costumes : Patricia Norris
- Musique : Angelo Badalamenti, David Lynch
- Distribution : Potemkine Films
- Durée : 2h15
- Date de sortie : 3 juin 1992
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