Résumé : Paris, la Cinémathèque. Camille, une actrice en devenir, rencontre Paul qui se rêve réalisateur. Ensemble, ils tentent de tourner une version ultra-moderne de L’Odyssée. Brune Platine est le portrait d’un monde, à l’ère du numérique, où la quête de l’autre se conjugue avec les désirs d’écran. Mais ce roman relève aussi d’un voyage mental étonnant : c’est une escapade dans un musée vivant, vaste chambre de résonances animée d’œuvres éternelles.
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Dans le domaine de l’édition consacrée au cinéma, la publication d’un roman (français de surcroît) est assez rare pour être mentionnée. Soulignons donc d’abord l’originalité et l’esprit indépendance de la maison Marest qui depuis sa création ne cesse de battre en brèche les sentiers battus de l’actualité éditoriale avec une remarquable efficacité. L’ouvrage de Séverine Danflous, critique de cinéma, professeur de lettres et écrivain, se distingue d’abord par son évocation tout à fait significative de l’univers du Septième art. Celui-ci ne se limite pas en effet aux seuls usages de l’argument narratif, mais apparaît comme l’alpha et l’oméga d’une cinécriture qui se nourrit et se structure auprès de références savamment distillées. À n’en pas douter, ces dernières se trouvent au creux des pages de l’Ulysse de Joyce ou à travers les compositions du Mépris de Godard, mais pas seulement. Un homme, une femme et des écrans. En s’attardant sur l’évolution technologique du cinéma, Danflous marque les étapes déterminant le développement des rapports humains à l’ère de la prétendue dématérialisation des images et des apparences. Brune Platine donc, puisque l’artifice règne, ses (nombreux) bénéfices et ses (multiples) travers. Reste ou plutôt résiste l’art de l’imaginaire. De fait, le musée d’images décrit par l’auteure prend une valeur hautement subjective, oscillant entre le fantasme cinéphile et la trivialité du quotidien. Malraux n’aurait sans doute pas désavouer cette entreprise : si le cinéma est bien un art, il n’en reste pas moins une industrie, un recyclage constant de clichés qu’il faut apprendre à apprivoiser pour en extraire toute la sève essentielle. Le style déployé tout au long du roman relève lui aussi de cette puissante dynamique. Le collage ponctuant la forme de l’écrit stipule le constant renouvellement auprès d’une grammaire proprement cinématographique. Avec une grande maîtrise, Danflous conduit sa plume à la manière dont un monteur découperait ses plans. Le hors-champ joue ici un rôle prédominant, espace d’une rencontre réflexive, jouxtant au monologue intérieur des existences la faconde littéraire du geste créateur. Une réussite qui se présente, espérons-le, comme le premier opus d’une œuvre en devenir.
- BRUNE PLATINE
- Auteure : Séverine Danflous
- Édition : Marest Éditeur
- Collection : Domaine Français
- Date de parution : janvier 2018
- Format : 320 pages
- Tarif : 19 €