Synopsis : Quelque part en Europe. Younghee a tout laissé derrière elle : son travail, ses amis et son histoire d’amour avec un homme marié. Seule sur la plage, elle pense à lui : elle se demande s’il la rejoindra. Gangneung, Corée du Sud. Quelques amis trinquent : ils s’amusent de Younghee qui, ivre, se montre cruelle à leur égard. Seule sur la plage, son coeur divague : elle se demande combien l’amour peut compter dans une vie.
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Seule sur la plage la nuit est le nouveau conte moral d’un réalisateur prolifique -plus de onze films en sept ans, dont quatre en 2017- qu’on a souvent accusé de réaliser les mêmes œuvres. Hong Sangsoo a longuement détaillé en interview sa manière d’écrire et de tourner. Instinctive, sa méthode peut dérouter, tant l’homme s’est affranchi du strict scénario, au profit d’une écriture des scènes au jour le jour pour les présenter à ses acteurs trente minutes avant la prise. En cela participe le réalisme de films à succès, comme Un jour avec, un jour sans ou encore La Vierge mise à nue par ses prétendants. Avec ce nouveau film, qui a été présenté à la 67e édition de la Berlinale en février dernier et où l’actrice principale Kim Min-Hee y a reçu l’Ours d’Argent de la meilleure actrice, Sangsoo relance la comparaison avec le cinéma d’Eric Rohmer que beaucoup lui font.. Car les prises sont longues et fruit la plupart du temps d’une totale appropriation par les acteurs de leur personnage, l’improvisation allant de soi. À l’instar de ses précédents films, Sangsoo réunit ses héros pour des moments rythmés par les descentes de verres de Soju et la question universelle des relations amoureuses prenant la forme de dialogues introspectifs qui s’étirent et semblent tester les limites de la réflexion. L’histoire est celle de Younghee, qui s’est exilée en Europe à Hambourg après une liaison avec un homme marié. Elle flâne dans les marchés en plein air et les parcs désolés avec son amie Jeeyoung, qui a quitté son mari après dix ans d’union. Toutes deux examinent les relations homme-femme par le prisme de leur expérience, fortes des résolutions que chacune a prises. Younghee a décidé de vivre comme elle est, comme si les leçons étaient enfin apprises. « Avec les beaux, on finit par souffrir » déclarera-t-elle. Comme apaisée, elle paraît se satisfaire de peu, éveillant ses sens, mangeant les meilleures saucisses d’Europe ou achetant des partitions de musique.
Le film est scindé en deux parties et l’exil thérapeutique prend fin lorsque Younghee rentre à Séoul, mettant fin à des séquences parfois trop longues et contemplatives, et de zooms un peu secs, bien connus du réalisateur. Commence alors une seconde partie plus agressive pour la jeune femme qui retrouve ses amis. Véhémente parfois, en partie à cause de l’alcool, elle les titille et les brusque presque en les accusant de ne pas être « qualifiés pour l’amour ». L’alcool délie les langues lors d’une tablée où à la question de « qui est digne » pour l’amour, la volonté de vivre l’emporte. Mais la jeune femme souffle le chaud et le froid tandis que ses amis le constatent « la souffrance a changé quelque chose » chez elle. Le malaise est parfois palpable devant l’interprétation subtile par Kim Min-Hee d’une héroïne qui souhaite soulager sa solitude dans toute affection qu’elle peut trouver, quitte à tenter un baiser à sa meilleure amie. Si certaines citations peuvent toucher, le dialogue se perd quelque fois quand on l’aurait voulu plus incisif. La plage offre alors un réconfort de beauté. Chère à Sang-s oo, elle se fait matelas sableux pour Younghee. Seule sur la plage la nuit est un film d’une lenteur agréable mais parfois trop appuyée, mélancolique à l’image de son héroïne, pour une plongée – un peu trop superficielle – dans les méandres ontologiques de l’amour.
- SEULE SUR LA PLAGE LA NUIT (Bamui haebyun-eoseo honja)
- Sortie salles : 10 janvier 2018
- Réalisation : Hong Sangsoo
- Avec : Kim Minhee, Seo Youngwa, Kwon Haehyo, Jung Jaeyoung, Song Seonmi, Moon Sungkeun, Ahn Jaehong, Park Yeaju
- Scénario : Hong Sangsoo
- Production : Hong Sangsoo
- Photographie : Hyung-ku Kim, Hong-yeol Park
- Montage : Hahm Sungwon
- Son : Song Yeajin
- Distribution : Capricci
- Durée : 1h41