Synopsis : Dans un proche avenir, Leo est barman dans un Berlin en pleine ébullition. À cause d’un accident survenu dans son enfance, Leo perd l’usage de la parole et ne vit plus que pour sa séduisante petite-amie Naadirah. Quand elle disparaît sans laisser de trace, Leo se met à sa recherche et se retrouve dans les bas-fonds de la ville. Il croisera en chemin deux chirurgiens américains qui constituent les seuls indices qui le poussent à affronter ce milieu infernal afin de retrouver celle qu’il aime.
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Réalisateur du très remarqué Moon (2009) et de Source Code (2011), Duncan Jones -fils de David Bowie- s’est lancé dans le blockbuster d’envergure avec l’adaptation de la célèbre franchise vidéoludique Warcraft. Bien que cette dernière possède de nombreuses qualités, notamment en ce qui concerne les effets spéciaux, elle n’a pas fait l’unanimité auprès des fans et n’a pas su trouver son public. Il revient en ce début d’année non pas au cinéma, mais directement sur Netflix. Alors que Bright, produit par ce dernier, et The Cloverfield Paradoxe, prévu à l’origine en salles via Paramount avant d’atterrir par surprise sur la plateforme au moment du Super Bowl, se sont attirés les foudres de la critique, c’est de Mute dont il est question aujourd’hui. Le film s’ouvre sur un enfant, Léo, baignant dans son sang, la gorge entaillée par les hélices d’un bateau. Il est immédiatement transporté à l’hôpital où ses parents, de fervents Amish, refusent toute opération et préfèrent laisser les soins à la bonne volonté du seigneur. On le retrouve, trente ans plus tard, muet, dans un Berlin en pleine ébullition à la recherche de sa compagne disparue, Naadirah. Mute est un projet que Jones porte en lui depuis longtemps, avant même de réaliser son premier long-métrage. On pouvait donc s’attendre à un projet abouti et habité par son réalisateur. Ce n’est hélas pas le cas, ou du moins pas complètement. Le principal défaut du film réside dans son écriture et la manière de traiter ses personnages. Jones propose un univers riche, mais à trop vouloir en donner, il finit hélas par nous perdre. Si tout le mystère qui entoure la disparition de sa compagne est assez bien construit, la résolution reste prévisible et manque de cohérence. Les personnages et les intrigues secondaires manquent de profondeur. Ces derniers n’ont pas réellement d’influence sur l’avancée du récit et du personnage principal dans sa quête.
C’est d’autant plus dommageable que la première heure est vraiment réussie, Alexander Skarsgård incarne un Amish muet attachant et on suit avec intérêt son parcours dans ce Berlin futuriste. Hélas, le scénario n’exploite jamais cette idée et se contente de rester en surface. Résultat, le récit tire en longueur et souffre d’un sérieux problème de rythme. Autre point étrange, le rapide clin d’oeil au personnage de Sam Rockwell dans Moon qui semble alors se dérouler dans le même univers sans que cela ait une quelconque incidence sur l’histoire. On retient cependant un Paul Rudd excellent dans un rôle à contre-emploi et un Justin Theroux impeccable, bien que encore trop rare dans le cinéma hollywoodien.
Si Mute souffre de divers soucis dans le fond, la forme est quant à elle très réussie. Le film nous offre régulièrement de très beaux plans et la photographie de Gary Shaw met parfaitement en lumière un Berlin poisseux et oppressant. Elle est accompagnée d’une bande originale enivrante composée par un Clint Mansell (Moon, Black Swan) très en forme. Les costumes et décors sont également très réussis. Le tout rend très bien à l’image, bien qu’à l’heure du retour de Blade Runner avec Blade Runner 2049, voire même de la récente série Netflix Altered Carbon, ce futur tout en néon et à la publicité intrusive ne soit plus novateur. Un résultat en demi-teinte donc pour cette dernière production du géant du streaming. Duncan Jones signe son film le moins réussi et pourtant le plus personnel.
Georges Malher
- MUTE
- Chaîne / Plateforme : Netflix
- Diffusion : 23 février 2018
- Réalisation : Duncan Jones
- Avec : Alexander Skarsgard, Paul Rudd, Justin Theroux, Seyneb Saleh, Robert Sheehan, Gilbert Owuor, Jannis Niewöhner, Robert Kazinsky, Noel Clarke, Dominic Monaghan…
- Scénario : Michael Robert Johnson, Ducan Jones
- Production : Stuart Fenegan
- Photographie : Dary Shaw
- Montage : Barrett Heathcote, Laura Jennings
- Décors : Sarah Horton, Wolfgang Metschan, David Scheunemann
- Costumes : Ruth Myers
- Musique : Clint Mansell
- Durée : 2h06