Synopsis : 1880. Nées le jour où Edison invente l’ampoule à incandescence, deux jumelles hongroises, répondant aux doux noms de Dora et Lili, sont séparées dès l’enfance et empruntent des chemins de vie différents. Dora est une courtisane à l’insouciance totale tandis que Lili est une ardente féministe convertie à la cause anarchiste. Sans le savoir, elles tombent amoureuses du même homme baptisé “Z”.
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On ne peut que saluer le génie précoce de la réalisatrice hongroise Ildiko Enyedi, récompensée pour son premier film par la Caméra d’Or du Festival de Cannes en 1989. Elle décroche ce prix -qui en appellera d’autres- grâce à Mon XXème siècle et ce, à l’âge de seulement 34 ans. Ce bijou esthétique s’offre de nouveau au spectateur dans une magnifique version restaurée qui sort le 14 mars grâce à Malavida. La filmographie, certes loin d’être prolifique de Enyedi (quatre long-métrages tournés en l’espace de dix-huit ans) opère cependant avec une magie intacte quelque soit le sujet qu’elle aborde. Son Corps et Âme a été une consécration lors de la dernière Berlinale 2017 avec l’Ours d’Or de la meilleure réalisatrice. Ildiko Enyedi propose ici un patchwork de scènes et d’images monochromes à la croisée de plusieurs genres : la fable, le surréalisme ou encore le burlesque. Mention spéciale à Tibor Mathé pour sa sublime photographie magnifiant l’intégralité de Mon XXème siècle ainsi que sa participation active à son relooking en 4K pour lequel il a supervisé l’étalonnage numérique. Ce choix osé de ne pas cloisonner l’intrigue peut paraître déroutant car il s’effectue aux dépens d’une linéarité coutumière. Le fil conducteur oscille, en effet, subtilement entre onirisme pur et historicité fiable. Les digressions nombreuses et loufoques suscitent des sourires pléthoriques. Un focus sur l’intrigue elle-même s’impose. Elle débute en 1880 avec une mise en avant du progrès en marche. Elle s’ouvre ainsi avec l’émerveillement nocturne des Américains devant une découverte géniale d’Edison : la lampe à incandescence en guirlandes dans les branches des arbres du parc Menlo.
Enyedi retranscrit ici une révolution industrielle qui engendre une dévotion sociétale pour la “fée électricité”. Tous les instruments de ce passage à témoin riche de promesses pour le 20ème siècle ont droit de cité : le train (l’Orient-Express), le cinématographe, la plus rapide transmission télégraphique au monde orchestrée par le génial Edison. Enyedi semble envier ce candide progrès aux vertus ternies à son époque (1988). La performance de l’actrice polonaise Dorotha Segda, qui joue les deux jumelles lorsqu’elles sont devenues femmes, est remarquable. Lili est une modeste anarchiste réservée mais déterminée tout de même pour commettre un attentat à la bombe. Dora, aux appétissants apprêts, est l’archétype de la « femme fatale ». Son caractère rime avec duplicité. C’est une pie attirée par tout ce qui brille et qu’elle dérobe avec malice. Lorsque deux jumelles sont séparées, le désir est fort pour qu’elles soient un jour réunies. Lili et Dora doivent leurs retrouvailles au charme du charismatique et énigmatique Z, incarné par le brillant acteur russe Oleg Yankovskiy. Ce dernier mettra d’ailleurs du temps à s’en rendre compte, tout comme ses deux amantes à la gémellité parfaite physiquement. Mais ceci est une autre histoire ou plutôt l’histoire d’une fin à découvrir absolument. Car c’est un happy-end digne d’un conte de fée qui nous est ainsi escomptée.
Eric Françonnet
- MON XXE SIÈCLE (Az én XX. századom)
- Version restaurée 4K
- Ressortie : 14 mars 2018
- Réalisation et Scénario : Ildiko Enyedi
- Avec : Dorota Segda, Oleg Yankovskiy, Paulus Manker, Peter Andorai, Gabor Mate, Andrej Schwartz, Sandor Teri, Gyula Kery, Sándor Czvetkó, Mária Rigó…
- Production : Archy Dolder, Gábor Hanák, Andrej Schwartz
- Photographie : Tibor Mathé
- Montage : Mária Rigó
- Décors : Zoltán Lábas
- Costumes : Agnès Gyarmathy
- Musique : László Vidovszky
- Distribution : Malavida
- Durée : 1h42
- Date de sortie initiale : 1989