Synopsis : Lorsque Ellen, matriarche de la famille Graham, décède, sa famille découvre des secrets de plus en plus terrifiants sur sa lignée. Une hérédité sinistre à laquelle il semble impossible d’échapper.
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Voilà donc le film qui a tant fait parler de lui depuis sa projection au dernier Festival de Sundance, distribué par A24, certainement la compagnie la plus audacieuse de ces dernières années outre-Atlantique. Tout commence par un décès. Ellen, grand-mère dans la famille Graham, vient de trépasser. Des phénomènes de plus en plus étranges vont alors se produire autour de la petite-fille Charlie avant d’avoir des répercussions sur la mère Annie et le petit-fils Peter. Ils vont révéler une hérédité des plus sombres qui va les rattraper un à un, inéluctablement. Remarqué pour ses courts métrages, notamment The Strange Things about The Johnsons (2011) et Munchausen (2013), le jeune Ari Aster se fait un nom avec Hérédité, un premier long métrage qui montre de belles aptitudes et déjà un sacré savoir-faire. Loin des standards des films d’horreur à succès à Hollywood ces derniers temps, Hérédité s’éloigne des jump scares pour préférer l’ambiance, la lenteur et l’ascension diffuse mais permanente d’une sensation de malaise. Puisant ses inspirations chez Andrej Zulawski (Possession), Roman Polanski (Rosemary’s Baby) ou encore William Friedkin (L’Exorciste), Ari Aster semble être sous influence de tout un pan du cinéma horrifique des années 70-80 aux ambiances bien délétères. Cette folie collective se diffusant dans la famille prend alors progressivement à la gorge et fait monter la tension tout en s’appuyant sur un scénario qui offre plusieurs surprises. Hérédité nous plonge dans la déliquescence psychologique de ses personnages, notamment la mère de famille, à travers une lente descente aux enfers dont on ne connaît jamais la direction qui va être prise.
Au niveau de la mise en scène et de l’esthétique, Ari Aster est en maîtrise constante, ce qui est agréable à l’oeil, mais peut avoir ses limites. Les mouvements de caméra sont d’une grande fluidité entre zooms, dézooms et travellings lents. Ces effets participent à l’atmosphère globale mais peuvent aussi parfois relever du maniérisme. Cette sensation de contrôle permanent se diffuse avec insistance et restitue des scènes qui semblent hyper storyboardées, jusqu’aux regards des protagonistes. Un choix risqué mais tout de même globalement appréciable. Il apporte un véritable soin à la forme et à l’esthétique, sans défauts notables, s’appuyant sur un habile jeu de reflets. Hérédité s’érige dans ses deux premiers tiers en thriller psychologique torturé autour d’une famille dysfonctionnelle où les rancoeurs sont dissimulées tant bien que mal. Son dernier tiers opère un lent virage vers une dimension plus fantastique et véritablement horrifique où quelques lieux communs ne sont pas évités et l’originalité s’étiole un peu au profit de l’efficacité. Cette direction n’est certes pas vraiment à blâmer mais reprend trop de codes du film de possession sans vraiment les renouveler.
La réussite d’Hérédité, on la doit aussi à ses interprètes. Toni Collette, excellente dans la série United States of Tara, livre une belle performance dans le rôle de cette mère qui crée des maquettes miniatures inspirées de sa vie comme pour la contrôler, et qui va lentement sombrer dans une folie incontrôlable. Milly Shapiro, pour sa première apparition à l’écran, offre son visage si singulier à cette jeune fille dont le gimmick vocal hante longtemps après la séance. Quant à Alex Wolff, vu dans Traque à Boston ou Jumanji : Bienvenue dans la Jungle, il restitue avec brio cet ado mal dans sa peau dépassé par les événements qui se déroulent autour de lui. À l’instar de Get Out ou encore de Sans un bruit, Hérédité continue de montrer la bonne forme du cinéma de genre.
- HÉRÉDITÉ (Hereditary)
- Sortie salles : 13 juin 2018
- Réalisation : Ari Aster
- Avec : Toni Collette, Alex Wolff, Milly Shapiro, Gabriel Byrne, Ann Dowd, Mallory Bechtel, Brock McKinney, Austin R. Grant, Gabriel Monroe Eckert, Zachary Arthur…
- Scénario : Ari Aster
- Production : Kevin Scott Frakes, Lars Knudsen
- Photographie : Pawel Pogorzelski
- Montage : Jennifer Lame, Lucian Johnston
- Décors : Grace Yun
- Costumes : Olga Mill
- Musique : Colin Stetson
- Distribution : Metropolitan FilmExport
- Durée : 2h06