Les frères Sisters de Jacques Audiard : critique

Publié par Camille Carlier le 17 septembre 2018

Synopsis: Charlie et Elie Sisters évoluent dans un monde sauvage et hostile, ils ont du sang sur les mains : celui de criminels, celui d’innocents… Ils n’éprouvent aucun état d’âme à tuer. C’est leur métier. Charlie, le cadet, est né pour ça. Elie, lui, ne rêve que d’une vie normale. Ils sont engagés par le Commodore pour rechercher et tuer un homme. De l’Oregon à la Californie, une traque implacable commence, un parcours initiatique qui va éprouver ce lien fou qui les unit. Un chemin vers leur humanité ?

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Les freres Sisters - affiche

Les fr̬res Sisters Рaffiche

C’est John C. Reilly et sa femme Alison Dickey qui proposèrent à Jacques Audiard, alors en promotion de De rouille et d’os à Toronto, d’adapter le roman éponyme de Patrick DeWitt dont ils détenaient les droits. Une proposition audacieuse au regard de la filmographie du réalisateur, qui nous avait habitué à des drames intimistes au succès critique certes mais loin de faire penser que la patte française Audiard pourrait un jour s’attacher au genre western. Point de mythologie pesante ici, ni de symbolisme exacerbé. S’il est une morale à chercher, c’est dans l’introspection des personnages en plein contexte de ruée vers l’or au départ de l’Oregon en 1851. L’histoire est celle de deux frères, Eli (John C. Reilly) et Charlie (Joaquin Phoenix) Sisters, les hommes d’arme d’un Commodore pour lequel ils réalisent les pires actions. Le film s’ouvre sur l’incendie d’une grange qui semble réjouir les criminels. Eli s’inquiète alors de libérer les chevaux tandis que Charlie n’y voit pas l’intérêt. On peut y voir ici un indice de la dissonance qui sera croissante entre les deux frères, via l’expression du rapport à l’animal par le héros, figure mainte fois utilisée au cinéma. L’animal comme outils révélateurs d’un certain caractère. Tendance qui se confirmera lorsque Eli perdra sa propre monture et la pleurera. Très vite apparaît une tension qu’on impute de prime abord à la question du pouvoir pour finalement comprendre au travers des multiples discussions parfois philosophiques de nos protagonistes, qu’il s’agit surtout de la peur d’évoluer, d’assumer un héritage familial violent et de s’affranchir du déterminisme. Eli, s’est vu destitué de son droit d’aînesse lorsque son frère cadet a tué leur père ivrogne qui les battait. C’est donc Charlie qui est moteur du duo sanguinaire dans lequel Eli apparaît comme le plus enclin à changer par sa coquetterie -il utilise une brosse à dent et s’émerveille devant la chasse d’eau d’un hôtel-, sa sensibilité mais également son courage à regarder leurs actes frontalement dans un souci de vouloir se changer. Audiard développe ici les vicissitudes de la fratrie en dédiant par ailleurs l’oeuvre à son propre frère aîné décédé à l’âge de 25 ans.

 

Joaquin Phoenix et John C Reilly - les freres Sisters

Joaquin Phoenix et John C Reilly – les freres Sisters

 

Au duo de fines gâchettes est opposé un autre duo, celui de John Morris (Jake Gyllenhaal) et Hermann Kermit Warm (Riz Ahmed), figures du gentilhomme -Morris est un détective privé qui ne tue pas- développée davantage que dans le livre source par Jacques Audiard et son co-scénariste Thomas Bidegain. Menés par l’utopie d’un monde moderne où résonnent les prémisses du socialisme, c’est la volonté d’un monde meilleur qui fera avancer nos personnages, comme un substitut au mythe de la Frontière dans la conquête de l’Ouest américain. Cependant le réalisateur met subtilement en relief les paradoxes de l’entreprise humaine. Les objectifs de Warm qui rallie petit à petit tout le monde à sa cause, les frères Sisters compris, ne se concrétiseront que s’ils sont financés. Au prix de leur santé, les quatre désormais compagnons vont extraire l’or des rivières au moyen d’un procédé chimique révolutionnaire, mais qui tue tout sur son passage. La vision des poissons flottant à la surface apparaît alors comme très actuelle dans l’histoire américaine.

 

Jake Gyllenhaal et Riz Ahmed - les freres Sisters

Jake Gyllenhaal et Riz Ahmed – les freres Sisters

 

Si le meurtre de Morris et Warm est la motivation première des frères Sisters, le film prend une direction inattendue mais séduisante lorsque les protagonistes sont finalement tous réunis. C’est alors un autre film qui commence ou la poursuite de celui-ci par l’amplification des éléments disséminés depuis le début, au travers notamment des doutes d’Eli quant à la poursuite de sa carrière criminelle. Audiard déclare avoir réalisé un western apaisé, qui appartiendrait à la troisième voie du genre, où la première voudrait reprendre fidèlement la mythologie western et la seconde une expression plus violente qui en détourne les codes à la manière d’un Tarantino. Si la nature permettait souvent dans le western classique au personnage désormais civilisé de revenir à son être primitif et instinctif, elle est chez Audiard matière à philosophie. Des réflexions ontologiques servies par un casting parfait que mènent des acteurs au jeu mature.

 

Lion d’Argent de la meilleure mise en scène à la 75e édition de la Mostra de Venise, Les Frères Sisters est un western qui semble ne pas avoir voulu en être un pour son auteur mais dont le genre ne peut rougir au vu de sa qualité et de la beauté de ses couleurs, signée Benoît Debie.

 

 

 

  • LES FRÈRES SISTERS (The Sisters brothers)
  • Sortie salles : 19 septembre 2018
  • Réalisation : Jacques Audiard
  • Avec : John C. Reilly, Joaquin Phoenix, Riz Ahmed, Jake Gyllenhaal, Rebecca Root, Carol Kane, Rutger Hauer, Allison Tolmann, Patrice Cossoneau, Zac Abbott
  • Scénario : Jacques Audiard, Thomas Bidegain d’après l’oeuvre de Patrick DeWitt
  • Production : Grégoire Sorlat, John C. Reilly, Cristian Mungiu, Megan Ellison, Michael De Luca
  • Photographie : Benoît Debie
  • Montage : Juliette Welfling
  • Décors : Angela Nahum
  • Costumes : Milena Canonero
  • Musique : Alexandre Desplat
  • Distribution : UGC Distribution
  • Durée : 2h

 

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