Synopsis : Bertrand, qui est en dépression depuis deux ans rejoint un groupe amateur de natation synchronisée masculine. Il y découvre 6 autres quadragénaires bedonnants hauts en couleur, eux-mêmes en échec personnel. Ils décident ensemble de conjurer le sort. Assumant leur sensibilité et faisant fi du qu’en-dira-t-on, l’équipe – coachée par deux anciennes gloires déchues de la natation – s’inscrit aux championnats du monde. Leur détermination auréolée d’un optimisme candide leur permettra-t-elle de triompher ?
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Après Narco qu’il co-réalisait avec Tristan Aurouet et l’un des segments de Les Infidèles, Gilles Lellouche revient derrière la caméra et transforme l’essai avec brio. Avec Le Grand Bain (Hors compétition à Cannes), projet patiemment mûri depuis plus de quatre ans, Lellouche signe sa première réalisation en solo et c’est aussi là le sens symbolique du titre de son film. La grande force du film réside dans une série d’audaces visant à mélanger une panoplie d’éléments hétérogènes pour obtenir un résultat d’une superbe cohérence. Qu’il s’agisse de son casting hors-norme faisant cohabiter des acteurs de tous horizons ou de l’alternance de scènes comiques et dramatiques naviguant entre les genres du rite initiatique, du buddy movie, du pastiche ou même du road movie, Le Grand Bain trouve avec justesse un rythme d’une vigueur et d’une fraîcheur détonantes. Des séances d’entraînement au championnat en Norvège en passant, en incise, par la vie quotidienne des personnages, on est totalement sous le charme de cette comédie française durant les deux heures. Dans les moments plus calmes, la mise en scène laisse place à une esthétisation des bassins baignés par les compositions de Jon Brion (Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Lady Bird). De la même manière que la piscine sert aux personnages à se jeter à l’eau pour partir à l’abordage de l’estime de soi et de la réussite, leur permettant au sens littéral de se mettre à nu. Dans les vestiaires, la caméra pose alors son regard sur chacun des protagonistes de façon touchante mais sans complaisance. Les personnages font rire sans jamais tomber dans l’écueil du ridicules. Chaque comédien déroule amplement toute la palette du jeu très coloré qui fait sa réussite sans empiéter sur celui de ses partenaires. Mathieu Amalric en intellectuel provocateur, Benoît Poelvoorde en hâbleur survolté, Philippe Katerine en hurluberlu simplet ou encore Jean-Hughes Anglade en artiste introverti. Les trois actrices principales (Viriginie Efira, Leila Bekhti et Marina Foïs), quant à elles, campent chacune un personnage fort, réfléchi, en soutien, voire au caractère en acier trempé (chapeau la Bekhti) contre-balançant efficacement la fragilité de leurs homologues masculins. Que les détracteurs des Infidèles ou de L’Amour est une fête se rassurent, Gilles Lellouche sait aussi être féministe. Film sur la dépression brûlant d’espoir, Le Grand Bain est un 120 minutes nage libre maîtrisé qui ravive et redonne tout son éclat à la comédie française.
Valentin Ribas
- LE GRAND BAIN
- Sortie salles : 24 octobre 2018
- Réalisation : Gilles Lellouche
- Avec : Virginie Efira, Leila Bekhti, Mathieu Amalric, Benoît Poelvoorde, Philippe Katerine, Guillaume Canet, Jean-Hugues Anglade, Marina Foïs, Félix Moati, Mélanie Doutey, Alban Ivanov…
- Scénario : Gilles Lellouche, Ahmed Hamidi et Julien Lambroschini
- Production : Patrice Quinet
- Photographie : Laurent Tangy
- Montage : Simon Jacquet
- Décors : Florian Sanson
- Costumes : Elise Bouquet, Reem Kuzayli
- Musique : Jon Brion
- Distribution : StudioCanal
- Durée : 2h02