Synopsis : En 1962, alors que règne la ségrégation, Tony Lip, un videur italo-américain du Bronx, est engagé pour conduire et protéger le Dr Don Shirley, un pianiste noir de renommée mondiale, lors d’une tournée de concerts. Durant leur périple de Manhattan jusqu’au Sud profond, ils s’appuient sur le Green Book pour dénicher les établissements accueillant les personnes de couleur, où l’on ne refusera pas de servir Shirley et où il ne sera ni humilié ni maltraité. Dans un pays où le mouvement des droits civiques commence à se faire entendre, les deux hommes vont être confrontés au pire de l’âme humaine, dont ils se guérissent grâce à leur générosité et leur humour. Ensemble, ils vont devoir dépasser leurs préjugés, oublier ce qu’ils considéraient comme des différences insurmontables, pour découvrir leur humanité commune.
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Réalisé par Peter Farrelly, que l’on associe plus généralement aux comédies potaches telles que Dumb & Dumber ou Mary à tout prix, Green Book est un premier coup d’essai dans le registre dramatique pour le réalisateur américain. Il revient après quatre années d’absence aux commandes de ce qui s’annonce déjà comme un évènement cinématographique de ce début d’année 2019. Présenté au festival de Toronto dont il est reparti avec le People’s Choice Award en septembre dernier et plus récemment lauréat de trois Golden Globes, Green Book s’impose comme un sérieux compétiteur dans la course aux Oscars. À y regarder de plus près, tous les ingrédients sont présents pour séduire les membres de l’académie : un drame social sur fond de racisme, porté par un duo prestigieux avec deux rôles à contre-emploi. Si de prime abord, le postulat rappelle évidemment Miss Daisy et son chauffeur à ceci près que les rôles sont inversés, Green book se distingue de son prédécesseur grâce à un aspect feel good qui alterne avec succès entre humour et émotion. Étonnamment les deux films sont racontés par un réalisateur blanc, et du point de vue du personnage blanc. Leur structure narrative vous guideront vers la même destination, mais le voyage ne sera pas le même. Là ou Miss Daisy et son chauffeur pêchait par son côté poussiéreux et théâtrale, Green Book se libère de son carcan narratif et invite à prendre une route beaucoup plus tortueuse mais ô combien plus divertissante. Où tout ça nous mène-t-il ? Dans le sud conservateur des États-Unis, à une époque où la couleur de peau fermait de nombreuses portes. Et c’est de ça dont il s’agit, ce « green book » fait référence à un guide de voyage destiné aux noirs afin de les aider à naviguer dans le sud ségrégationniste. Inspiré de l’histoire vraie de Don Shirley et Nick Vallelonga, Green book raconte l’histoire de cette improbable amitié entre en chauffeur italo-américain blanc et un pianiste noir.
Viggo Mortensen interprète avec légèreté un personnage ingrat, doté d’un grand cœur et d’un appétit pantagruélique. Cet ancien videur du Bronx réputé pour ses qualités de baratineurs peine à joindre les deux bouts, mais la faim justifie les moyens et son devoir de père va l’amener à reconsidérer ses croyances. D’abord hésitant à l’idée de jouer ce personnage, c’est Peter Farrelly en personne qui a convaincu l’acteur d’endosser ce rôle et d’exploiter son potentiel comique. En incarnant une figure luthérienne, Mahershala Ali, récompensé par le Golden Globe du meilleur acteur secondaire, se délecte quant à lui dans un rôle aux antipodes de celui qu’il tenait dans Moonlight. Loin du dealer de Miami, Ali nous livre une performance délicieuse d’un artiste virtuose, meurtri par la solitude et le rejet de sa communauté.
Avec ce drame aux rouages bien huilés et plein de bons sentiments, Green Book aurait pu tourner à vide s’il n’était pas porté par ce tandem attachant qui insuffle une âme à ce road movie généreux. Farrelly a su correctement exploiter l’immense talent de son casting pour proposer une œuvre de bonne facture. Son film s’inscrit dans la lignée de La couleur des sentiments ou Les Figures de l’ombre, à savoir des drames académiques accessibles et bienveillants. Comme eux, il devrait trouver son public. Certes le scénario est convenu et ne brille pas par son inventivité, mais la générosité de l’exécution convaincra les plus réticents. Tour à tour drôle, émouvant et instructif, le film frappe par sa pertinence et son intemporalité, comme si son histoire avait pu être située à n’importe quelle époque. Mais avant tout, il prouve l’importance de rappeler qu’effectivement, « La dignité l’emporte toujours ».
Hugo Martinez
- GREEN BOOK
- Sortie en salles : 23 janvier 2019
- Réalisation : Peter Farrelly
- Avec : Viggo Mortensen, Mahershala Ali, Linda Cardellini, Don Stark, David An, Sebastian Maniscalco, P.J Byrne, Brian Stepanek, Geraldine Singer, Iqbal Theba, David Kallaway, Tom Virtue
- Scénario : Nick Vallelonga, Brian Hayes Currie, Peter Farrelly
- Production : Brian Hayes Currie, Jim Burke, Nick Vallelonga, Charles B.Wessler, Octavia Spencer
- Photographie : Sean Porter (III)
- Montage : Patrick J. Don Vito
- Décors : Selina van den Brink
- Costumes : Betsy Heimann
- Musique : Kristopher Bowers
- Distribution : Metropolitan
- Durée : 2h09