Résumé : Lorsqu’en 1922, le réalisateur allemand E W. Murnau réalise une des toutes premières adaptations cinématographiques de Dracula, le roman de Bram Stoker, il rebaptise le vampire en Nosferatu. Chef-d’oeuvre du cinéma muet expressionniste, son film reste à ce jour une des réussites les plus envoûtantes du cinéma fantastique. Depuis lors, de nombreux films ont poursuivi l’éloge du célèbre vampire, abandonnant le plus souvent la sombre mélancolie de Murnau pour donner libre cours à une imagination délirante mêlant calèches au galop dans la nuit, château médiéval, chauve-souris inquiétantes, jeunes femmes hurlant de terreur, effets de cape et rivières de sang. Cependant, de Nosferatu aux innombrables Draculas, il n’y a pas qu’un jeu de patronymes. Il importe dès lors de reprendre le dossier à sa source pour tenter de répondre à cette question essentielle : d’où viennent les vampires ?
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Vampire et cinéma, l’union est, on le sait, consommée depuis les origines. La première gageur de ce formidable essai signé Olivier Smolders, écrivain et cinéaste (Mort à Vignole ; Nuit noire ; L’Accord du pluriel ; Axoloti…) est de parvenir à synthétiser en quelques 128 pages ce rapport fécond et conflictuel. Nosferatu versus Dracula pour un ouvrage qui se développe en deux temps. Littérature d’abord, cinéma ensuite à travers l’étude de quelques cas particuliers (le Nosferatu de Murnau bien sûr, mais aussi Vampyr de Dreyer, le cycle vampirique de la Universal, et celui de la Hammer). À la première correspond une vaste exploration historique et stylistique qui part des légendes du Moyen-Âge pour aboutir à l’incontournable roman de Bram Stocker. Le second apparaît quant à lui comme un prolongement des postulats et des arguments préalablement établis, mais avec une attention particulière sur leurs métamorphoses cinématographiques. Étude des motifs (l’ombre, le sang, la photographie), des figures phares (le vampire, bien évidemment, mais aussi ses victimes) et connexes (le bestiaire, l’habitat vampirique, le mort-vivant, ou les nouveaux monstres du cinéma américain des années 70) donne lieu à un jeu métaphorique faisant de l’aristocrate sanguinaire et sanguinolent un avatar du dispositif cinématographique. Nosferatu/Dracula, créature dont la condition d’être appartient à l’obscurité (de la nuit, de la salle) et dont la lumière du jour prévient la disparition (à l’instar des images projetées sur un écran). La mise en abyme est belle et particulièrement féconde. Dans ce que Smolders appelle en introduction un « palimpseste d’images et de textes », le lecteur emprunte à ses côtés une série de chemins propre à un parcours labyrinthique qui permet de (re)découvrir les blasons d’un imaginaire morbide et ô combien fantasmatique. Si peu avant sa conclusion, l’auteur revient sur les hybridations dont ont fait les frais les récits vampiriques au cinéma (La Légende des 7 vampires d’or et autres Superman et les femmes vampires) ainsi que sur l’anoblissement cinéphile de la figure du Comte (le Dracula de Coppola), on ne peut que souhaiter que Smolders prolongera encore un peu ses pistes de réflexions à partir d’un corpus élargi.
- NOSFERATU CONTRE DRACULA
- Auteur : Olivier Smolders
- Editons : Les Impressions nouvelles
- Collection : La fabrique des héros
- Date de parution : 7 février 2019
- Format : 128 pages
- Tarif : 12 € (print) – 7,99 € (numérique)