Résumé : Peu d’essais remettent en cause la Nouvelle Vague et ses suiveurs. Celle-ci ne surgit pas par hasard en s’opposant aux cinéastes de la Tradition de la Qualité; c’est un nouveau cinéma qui devait déréguler l’ancien mode de production. Loin d’être la critique de la société de consommation, la Nouvelle Vague en fut la propagandiste zélée en jouant de la jeunesse, de la modernité et de la liberté. Ce que critiquait dès 1973 le cinéaste Pier Paolo Pasolini dans ses Écrits corsaires et que résumerait ainsi Michel Audiard : « Nouveau Roman, Nouvelle Vague, nouveaux riches. »
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Le titre délibérément frondeur de cette étude ne doit pas faire oublier sa grande qualité scientifique. Des origines de la Nouvelle Vague (le plan Marshall, la création des groupes cinéphiles, les débuts au sein des Cahiers du cinéma) à leurs retombées dans les domaines intellectuels et cinématographiques (de la tendance post-moderne de la fin des années soixante-dix aux plus récentes productions hexagonales), l’ouvrage de Yannick Rolandeau, enseignant, scénariste, réalisateur de courts métrages et déjà auteur du très complet Le cinéma de Woody Allen (L’Harmattan, 2018), prime par sa densité. Aux questions relatives à la création (phase d’écriture, tournage, direction d’acteurs, montage, production) répond un vaste travail de fouille concernant l’arrière-plan socio-historique qui favorisa l’émergence et permis le développement de cette célèbre « tendance du cinéma français ». La synthèse proposée par Rolandeau bénéficie conjointement de l’objectivité du travail d’analyse (dont l’ensemble des sources sont reportées en fin d’ouvrage dans une large bibliographie) et de l’originalité d’une réflexion qui se démarque par sa liberté de ton. Volontiers frondeur, l’auteur met en cause le supposé progressisme des jeunes Turcs pour rappeler les limites d’une approche dissimulant son conformisme derrière une radicalité basculant parfois vers certains débordements idéologiques. Si cette posture court parfois le risque de tomber dans les raccourcis faciles (l’opportunisme de la jeune garde des Cahiers est sans doute réelle mais n’empêche de considérer la grande qualité de leurs articles, notamment ceux de Truffaut qui continua de manier la plume après les débuts de sa carrière de réalisateur), force est de constater que cette invitation au débat et à la polémique se révèle particulièrement revigorante à notre époque où les histoires du cinéma ne s’écrivent plus qu’à travers l’homogénéité des redites et l’univocité des références établies. En annexes, la présence d’un entretien inédit avec Michel Ciment qui revient de façon générale sur la fonction du critique tout en s’attardant ponctuellement sur la question de la Nouvelle Vague ouvre l’écriture contestataire de Rolandeau à de nouvelles perspectives. On regrettera cependant l’absence d’une filmographie qui aurait permis de cartographier le travail entrepris par l’auteur et de saisir immédiatement le parcours historique de cette Vague dont le présent ouvrage permet d’apprécier les nombreux remous.
- NOUVELLE VAGUE. ESSAI CRITIQUE D’UN MYTHE CINÉMATOGRAPHIQUE
- Auteur : Yannick Rolandeau
- Editons : L’Harmattan
- Date de parution : 4 décembre 2018
- Format : 340 pages
- Tarif : 29 € (papier) – 22,99 € (numérique)