Synopsis : Paula était présente lors de l’assassinat de son père, professeur à l’université de Medellín. Alors que l’enquête officielle est déjà classée, Paula fait la connaissance de l’assassin, Jesús. La relation qui se noue entre eux, malgré le désir de vengeance de Paula, va ébranler les certitudes de cette dernière. Inspiré par une tragédie autobiographique de la réalisatrice.
♥♥♥♥♥
Le second long-métrage de Laura Mora, réalisatrice medellinense, s’inspire d’un événement traumatisant qu’elle a vécu il y a plusieurs années. En 2002, le père de la cinéaste est assassiné par un sicario, ces tueurs à gages qui brutalisent la population colombienne. Comme la protagoniste (Natasha Jaramillo), elle assiste impuissante à cet acte barbare. Le meurtre injuste, soudain et violent d’un parent, auquel s’ajoute l’inefficacité du système judiciaire, déclenche une transformation psychique radicale chez l’héroïne, alter ego fictif de Laura. Lita dont les seules préoccupations jusqu’à-là étaient les cours, les amis et la photographie, se lance dans une quête de vengeance sous le prénom de Paula qui la fait quitter le confort d’une classe moyenne pour s’aventurer dans les quartiers pauvres de Medellín où règne la loi du plus fort sur une population précaire. Bien que de prime abord ce thriller dramatique semble brosser une peinture sur la violence découlant des inégalités sociales, il évoque surtout le rapport à la vengeance, au trauma, à la foi religieuse et aux limites de l’empathie. Ainsi, Matar a Jesús apparaît comme une tentative d’achever un deuil à travers la fiction cinématographique. Par ce biais, la réalisatrice imagine sa réaction si elle avait été confrontée à l’assassin afin de la mettre en scène. Privilégiant un style néoréaliste à la Víctor Gaviria, réalisateur colombien reconnu pour ses œuvres reflétant de manière perspicace la réalité de son pays, l’action se déroule dans des décors réels et le scénario se base beaucoup sur un jeu d’improvisation par des acteurs non-professionnels, repérés dans les rues de la ville natale de la cinéaste. La réappropriation d’une expérience personnelle épouvantable par une approche réaliste évite un pathos et un sensationnalisme excessifs. Œuvre cinématographique authentique qui dégage une intensité et une tension crescendo, tant dans l’évolution des personnages que dans l’image exacerbée par la frénésie de la photographie de James L. Brown (Nerve), Matar a Jesús chamboule les spectateurs en même temps que l’héroïne se métamorphose pour aboutir à une scène finale dont la force ne laisse pas indifférent.
- MATAR A JESÚS
- Sortie salles : 8 mai 2019
- Réalisation : Laura Mora
- Avec : Juan Pablo Trujillo, Natasha Jaramillo, Giovanny Rodríguez, Camilo Escobar, Carmenza Cossio, José David Medina, Juan Camilo Cárdenas
- Scénario : Laura Mora et Alonso Torres
- Production : Diego Ramírez, Ignacio Rey, Maja Zimmermann
- Photographie : James L. Brown
- Montage : Leandro Aste
- Costumes : Ana María Acosta
- Musique : Sebastian Escofett
- Distribution : Bobines Films
- Durée : 1h40