Résumé : En analysant plusieurs archétypes de pin-up, de Betty Boop à Jane Parker en passant notamment par les actrices Jean Harlow ou Mae West, l’ambition de cet ouvrage est de déconstruire le fantasme de la pin-up comme femme-objet mais aussi de nuancer la vision d’un pré-Code où tout serait permis.
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Au carrefour de l’histoire, de la sociologie et de l’esthétique, cet ouvrage dépasse largement les attentes initiales supposées par son titre. Loin de se limiter à un tour d’horizon historiquement circonscrit de la figure de la pin-up, la réflexion de Mélanie Boissoneau, docteure en études cinématographiques, enseignante-chercheuse et déjà autrice des Pin-up au cinéma (coécrit avec Laurent Jullier chez Armand Colin), développe un large parcours critique partant de l’ère victorienne pour aboutir aux cabarets burlesques. Au centre de cette étude : le genre féminin vu à travers le prisme idéologique et culturel de la société américaine du début des années 1930 (et au-delà). À la manière d’un baromètre, la représentation de la pin-up se constitue alors comme le principal motif d’une recherche se réclamant implicitement de la foisonnante tradition des gender studies. Des illustrations fantasmagoriques aux photographies d’art et de mode, de la réception (critique, théorique) aux productions (cinématographiques, scéniques), Boissoneau décrit les nombreuses confrontations entre révolutions des mœurs et tabous civilisationnels qui structurèrent l’ensemble du XXe siècle. Les études de cas (Jean Harlow, Betty Boop, Mae West) permettent d’appréhender ces différents éléments à travers des analyses de scénarios, de séquences et d’affiches que secondent la présence de nombreuses captures d’écran (mais dont la petite taille empêche parfois d’en décrypter parfaitement le sens). Les arguments déployés se prolongent alors du côté d’une étude générique (le film fantastique, le film d’aventures) particulièrement stimulante. Cette qualité de réflexion se retrouve par ailleurs dans l’étude de la période du pré-code (1930-1934). Se référant à de nombreuses sources anglo-saxonnes, l’autrice revient sur les multiples lieux communs entourant ce corpus. Aux lectures verticales de l’histoire du cinéma et aux effets de bascule marqués entre une période pré-code et une période post-code qui font aujourd’hui référence, l’ouvrage propose une relativisation des nomenclatures alors en vigueur en soulignant la prégnance d’une censure déjà présente au début de la décennie. La franche réussite de cet ensemble accuse cependant certains bémols. On notera ainsi la présence de répétitions (la description de la figure de la New Woman proposée en début d’ouvrage se retrouvant transposée, presque à l’identique, dans le chapitre consacré à Mae West) et de raccourcis (la singularité de la même Mae West peut-elle vraiment être évaluée par rapport aux rôles de transformation physique de Nicole Kidman ou de Charlize Theron qui apparaissent plutôt comme une tendance propre aux actrices et acteurs du cinéma américain contemporain ?). Ces remarques restent cependant mineures au regard de la valeur d’un ouvrage qui profite de l’objectivité scientifique de l’écriture universitaire (on notera sur ce point la présence d’annexes très complètes, index des noms et des films compris) et qui parvient à concrétiser avec brio son ambition de recherche.
- PIN-UP AU TEMPS DU PRÉ-CODE (1930-1934)
- Autriche : Mélanie Boissonneau
- Éditions : LettMotif
- Collection : Mémoires et thèses de cinéma
- Date de parution : 19 mars 2019
- Format : 520 pages
- Tarif : 39 € (version print) – 21,90 € (numérique)