Synopsis : Les extraterrestres ont envahi la Terre. Occupée, la ville de Chicago se divise entre les collaborateurs qui ont juré allégeance à l’envahisseur et les rebelles qui les combattent dans la clandestinité depuis dix ans.
♥♥♥♥♥
Captive State, produit, écrit et réalisé par le britannique Rupert Wyatt (La Planète des Singes : Les Origines, The Gambler) raconte la résistance d’une poignée de terriens contre un envahisseur extraterrestre au comportement dictatorial. En mêlant science-fiction et thriller, le cinéaste s’affranchit du blockbuster spectaculaire et dépeint un Chicago grisâtre, maussade, dans lequel collaborateurs et résistants s’affrontent. Plutôt que de raconter l’invasion de notre planète par les aliens – l’un des thèmes les plus rebattus de la SF – Wyatt fait le choix, certes original, de centrer son ambitieux scénario sur les humains, condamnés à l’obéissance et à la passivité, en lutte dans une atmosphère assez proche de Cloverfield et des meilleures dystopies young adult, type Hunger Games ou Divergente. Le récit se focalise donc sur Gabriel Drummond, un jeune homme séparé de son frère, héros de la résistance, interprété par Ashton Sanders (Moonlight, Equalizer 2). L’impeccable John Goodman (Argo, The Big Lebowski, Inside Llewyn Davis) incarne quant à lui un flic-espion aux ordres du pouvoir. La science-fiction minimaliste crée ici un reflet de notre société : il s’agit de réfléchir aux notions de libre arbitre, ainsi qu’à l’éternelle dialectique entre liberté et sécurité. Pourtant, au grand regret du spectateur, les différents partis pris étouffent cet « état captif » très noir et peu stimulant.
Le réalisateur semble s’être inspiré de L’Armée des ombres, chef-d’œuvre de Jean-Pierre Melville, puisant ses thématiques dans 1984 de George Orwell ou dans le classique Le jour où la terre s’arrêta, mais nous livre une vision du futur pessimiste et surtout peu crédible sans révolutionner le genre. En effet, si Captive State ne s’embarrasse pas (et tant mieux) d’effets spéciaux grandiloquents, l’intrigue est trahie par une mise en scène maladroite dans laquelle les aliens, créatures métalliques plutôt absentes, ne sont en réalité qu’une toile de fond. Le montage trop souvent saccadé donne à l’ensemble une forme de puzzle chaotique, insignifiant et indigeste. Hormis une séquence d’ouverture immersive et intéressante, les problèmes de rythme s’installent et persistent, les dialogues explicatifs s’amoncellent tandis que le climat anxiogène rapidement instauré conduit l’interminable parabole – filmée caméra à l’épaule – laissant le spectateur sur sa faim.
Rupert Wyatt ne parvient pas à trouver le juste équilibre entre narration efficace et profondeur du propos ; la résonance historique ne peut sauver le scénario redondant et décousu de ce thriller hautement politique dans la lignée de District 9. De même, le final qui se veut pourtant percutant, demeure inabouti en raison de ressorts émotionnels quasi absents. Malgré quelques scènes fortes et la qualité du casting, Wyatt peine également à faire exister ses trois personnages principaux. Les errances d’un Ashton Sanders en sweat à capuche dans la ville obscure et dévastée finissent par lasser. Même le rôle de la mystérieuse prostituée, attribué à Vera Farmiga (Conjuring – Les dossiers Warren, Conjuring 2 – Le cas Enfield) semble sous-exploité.
Rupert Wyatt veut proposer une œuvre sombre, hybride, originale, qui souffre pourtant de défauts majeurs, d’enjeux narratifs trop minces voire d’un manque de subtilité. Il fait de Captive State – allégorie d’une Amérique dirigée par un ennemi sans visage –, un thriller futuriste et politique imparfait à bien des égards.
- CAPTIVE STATE
- Sortie : 3 avril 2019
- Réalisation : Rupert Wyatt
- Avec : Ashton Sanders, John Goodman, Vera Farmiga, Jonathan Majors, Madeline Brewer, Machine Gun Kelly, Kevin Dunn, Kiki Layne…
- Scénario : Rupert Wyatt, Erica Beeney
- Production : David Crockett, Rupert Wyatt
- Photographie : Alex Disenhof
- Montage : Andrew Groves
- Décors : Douglas A. Mowat
- Costumes : Abby O’Sullivan
- Distribution : Metropolitan FilmExport
- Durée : 1h50