Résumé : Cet ouvrage rassemble des études s’efforçant de repenser à nouveaux frais la question des relations entre le cinéma et les arts plastiques. Cette question, vieille comme le cinéma, comporte une multitude d’« entrées », de facettes qui sont dans un premier temps synthétisées, puis explorées à partir de cas particuliers qui permettent de dépasser les généralités d’usage. Entre l’appel d’Aragon de 1918 à voir les avant-gardes s’emparer du cinéma et l’appropriation de plus en plus courante dans les arts actuels des techniques filmiques et du cinéma comme machine, spectacle, modalité temporalisée de la représentation, que s’est-il passé ?
♥♥♥♥♥
Ce recueil de textes rédigés par François Albera, professeur émérite d’histoire et d’esthétique du cinéma à l’université de Lausanne et rédacteur en chef de la revue 1895, propose de relire les rapports entre peinture et cinéma à partir d’une perspective singulière. Loin de se limiter à une démarche comparative, la réflexion de l’auteur s’inscrit en effet dans une approche transversale dont les caractéristiques sont parfaitement développées dans son introduction. De fait, ces écrits dépassent les catégories hiérarchiques de l’histoire des arts pour affirmer la persistance d’un réseau de confluences pluridisciplinaires. Techniques (gravure, typographie, accéléré, anamorphose…) et figures des arts visuels (Ernst, Munch, Malévitch…) rencontrent le cinéma selon les valeurs d’un prisme théorique, la « transmédialité », qui interroge le motif de l’image entre mobilité, dynamiques, auto-réflexivité, et autres agencements kaléidoscopiques. Si la considération quelque peu hâtive des historiographies traditionnelles du cinéma (Sadoul, Mitry) peut prêter à caution, il faut souligner l’importance d’une argumentation à la fois enthousiasmante et salutaire. Albera dépasse ainsi les régimes de l’allusion et de la citation (présence effective d’un tableau ou d’une sculpture dans un film en particulier) pour revenir aux fondamentaux d’un dispositif envisagé selon un ancrage culturel et historique. C’est donc à la découverte d’une nouvelle ou d’une autre histoire du cinéma que nous convie cet ouvrage. La défiance mentionnée dans le titre ne doit pas se comprendre autrement. Le cinéma s’inscrit ici dans un rapport de forces et d’esprit avec les déterminismes d’une époque battant au rythme des avant-gardes artistiques et d’une réflexion féconde sur les possibilités de l’image. Le cinéma se constitue alors en paradigme iconologique, soit un objet ou un modèle dont les déclinaisons dépasse les limites d’un lieu unique pour investir le champ d’expertise de différentes pratiques. Montage, temps et espaces se constituent à la manière de concepts migratoires qu’Albera explore à l’intérieur d’un corpus éclectique. À cette richesse théorique et analytique répond une mise en page soignée et prolixe en illustrations. Ces dernières secondent parfaitement l’argumentation de l’auteur tout en soulignant la fécondité visuelle d’une écriture élégante et érudite.
- LE CINÉMA AU DÉFI DES ARTS
- Auteur : François Albera
- Éditions : Yellow Now
- Collection : Côté cinéma/Morceaux choisisÂ
- Date de parution : 15 mars 2019
- Format : 224 pages
- Tarif : 25 €