Résumé : Max Linder. Avant d’être le nom d’un cinéma sur les grands boulevards parisiens, il est celui d’un artiste majeur du début du XXe siècle. Comédien, metteur en scène, cinéaste, il est l’auteur de plus de cinq cents films dont la plupart ont disparu, détruits par la malveillance et l’oubli. Car cet homme reconnu de son vivant comme la plus grande star du cinéma muet, côtoyant et inspirant Chaplin aux Etats-Unis, était aussi un homme tourmenté, profondément instable, disparu précocement et tragiquement un matin de Toussaint 1925 emportant sa femme avec lui. C’est par la voix de Max Linder lui-même que nous est livré le récit rétrospectif de sa trajectoire aussi fulgurante que brillante, en forme d’adresse à sa fille bien trop brièvement connue.
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À l’évocation du nom de Max Linder, le cinéphile dresse l’oreille. À l’esprit, un petit homme en costume noir, une allure apprêtée, presque guindée, que renforce le port de la moustache fine et du chapeau haut de forme. Max ou la quintessence du rire à la française. Certes, mais ce court roman signé par Stéphane Olivié-Bisson, acteur et metteur en scène de théâtre, nous rappelle que Max Linder fut aussi le nom d’une déchirure qui conduisit cet artiste génial à se donner la mort en 1925, aux côtés de Ninette, sa jeune épouse. Derrière eux le couple laissait un enfant, Maud, petite fille qui se présente comme la principale destinataire de cet écrit. De sa jeunesse en Gironde à ses succès chez Pathé et en Amérique, de son amour incommensurable à sa jalousie maladive, Linder observe depuis sa tombe un passé que cherche à ré-articuler Olivié-Bisson Car le destin de Linder fut aussi tragique que celui de ses films. Celui qui tournait une bande par jour a en effet vu son œuvre gargantuesque disparaître avec lui. Au milieu des bobines endommagées ou littéralement enterrées, des productions escamotées et des multiples plagiats dont son personnage fit les frais, il faudra toute la ténacité de Maud pour reconstituer les bribes d’un rire brisé (le montage d’archives En compagnie de Max Linder sorti en 1963, puis celui de L’Homme au chapeau de soie en 1983). Sous la surface de la terre, depuis les nuages du ciel, comme emporté malgré lui par le courant de la Dordogne, Linder réfléchit, rêve, s’excuse auprès de ceux qu’il a laissé parmi les vivants. Ressuscité sur pellicule, le célèbre acteur revient sur son statut de précurseur, lui qui fut la première vedette d’un art encore forain, l’ami et le modèle du grand Charlie Chaplin. L’écriture de Olivié-Bisson ne fait pas que retracer ce parcours mais le raconte par le biais d’une plume aguerrie. Filant les images, l’auteur retrouve le lyrisme singulier qui faisait le charme de ces courtes bandes muettes et animées. Ce qui reste alors est moins l’amertume d’un échec que le désir de sentir à nouveau les parfums d’un temps à tous familier : l’enfance, ses aventures, ses découvertes et ses rires éternels. Ce sont donc les atmosphères d’une vie que se propose de narrer cet ouvrage. Une noble ambition auquel le style de l’auteur répond parfaitement. On regrettera simplement l’absence d’illustrations qui auraient permis d’offrir une dimension supplémentaire à ce délicieux voyage littéraire.
- MAX
- Auteur : Stéphane Olivié-Bisson
- Éditons : Cambourakis
- Date de parution : 3 avril 2019
- Format : 90 pages
- Tarif : 13,50 €