Résumé : Cette étude propose un retour rétrospectif sur l’ensemble de l’oeuvre de Miyazaki. Elle met en lumière les différentes figures de créateurs, aussi discrètes que récurrentes, qui traversent ses oeuvres et le discours esthétique dont elles sont porteuses. Sont ensuite analysées la méthode de création miyazakienne, ainsi que les stratégies narratives visant à transmuer, sans la nier, sa subjectivité en des univers fictionnels à la portée universelle.
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Le sous-titre de cet ouvrage a son importance. En cherchant à percer les mystères de l’univers de Miyazaki, Emmanuel Trouillard, normalien et docteur en géographie de l’Université Paris 7 – Diderot, analyse les qualités d’un processus de création à la fois personnel et ouvert sur le monde. Cette double-dynamique explique sans doute l’attrait jamais démenti des films du réalisateur japonais sur le public. Ouvrant son étude avec Le Vent se lève, dernier film en date du cinéaste, l’auteur propose un retour sur l’ensemble de sa filmographie avec comme fil rouge la question du discours créateur et de sa retranscription fictionnelle. La principale qualité de cette réflexion tient à sa valeur conceptuelle. Après avoir proposé une typologie du héros miyazakien (« le créateur-destructeur », les « créateurs-aventuriers », les « créateurs-rêveurs ») et divisé sa filmographie en deux grandes catégories (les « films d’aventure » et les « films de quotidien »), Trouillard s’attelle à la description de cycles créatifs qui lui permettent d’éclairer le rapport de Miyazaki à l’art animé, entre modèle à suivre et écueils à éviter. Monde réel, univers fictif et figure du créateur constituent ainsi les trois termes d’une relation idéale. Dès lors que l’une de ces composantes vient à manquer, le risque de l’hermétisme (tendance « ego-trip ») ou du stéréotype (tendance « otakisme ») se fait sentir. À partir de ces différents schémas, Trouillard souligne la clairvoyance d’un auteur qui a toujours su concilier à sa subjectivité un véritable soucis de l’autre et de son environnement. L’intérêt de cette argumentation est qu’elle ne se limite jamais aux seuls films réalisés par Miyazaki. Le scénario de Si tu tends l’oreille, réalisé par Yoshifumi Kondo permet ainsi de résoudre certains paradoxes de la filmographie du cinéaste, tandis que les films de Isao Takahata ou de Mamoru Oshii offrent un vis-à -vis en tout point éclairant de son approche artistique. Enfin, la mention de certains anime (K-On !, La Mélancolie de Haruhi Suzumiya, Gurren Lagan...) réfléchit la qualité novatrice d’une certaine tendance de la production japonaise à l’égard de la rigidité des codes du cinéma d’animation grand public. En résulte l’exposé d’une méthode originale qui invite à découvrir sous un angle renouvelé les caractéristiques de l’artiste-Miyazaki. On notera enfin la présence d’une bibliographie assez fournie qui permet de faire le point sur l’actualité éditoriale de l’animateur nippon.
- HAYAO MIYAZAKI ET L’ACTE CRÉATEUR. FAIRE JAILLIR LE MONDE DESSINÉ EN SOI
- Auteur : Emmanuel Trouillard
- Éditions : L’Harmattan
- Collection : Cinémas d’animation
- Date de parution : 16 mai 2019
- Format : 114 pages
- Tarif : 13 € (print) – 9,99 € (numérique)