Synopsis : Cloîtré dans une chambre d’hôtel de Saïgon, le jeune capitaine Willard, mal rasé et imbibé d’alcool, est sorti de sa prostration par une convocation de l’état-major américain. Le général Corman lui confie une mission secrète : éliminer le colonel Kurtz, un militaire aux méthodes quelque peu expéditives et qui sévit au-delà de la frontière cambodgienne.
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Quarante ans après la sortie de la version originale, et dix-huit ans après celle de la seconde mouture baptisée Redux, le public peut désormais découvrir Apocalypse Now – Final Cut, un nouveau montage inédit du chef-d’œuvre de Francis Ford Coppola (Le Parrain, Outsiders, Rusty James, Dracula). Il s’agit d’une version intermédiaire de cette grande fresque dantesque qui a remporté deux Oscars pour la Meilleure photographie et le Meilleur son, deux BAFTA pour le Meilleur réalisateur et le Meilleur acteur dans un second rôle (Robert Duvall), ainsi que la Palme d’Or au Festival de Cannes 1979. Voyage épique et obsédant vers la folie, Apocalypse Now, adapté librement de la nouvelle Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad et tourné aux Philippines en seize mois, a fasciné des générations de cinéphiles. En 1969, au Vietnam, des soldats américains qui remontent le fleuve Mékong à la recherche d’un colonel dissident (Marlon Brando) se trouvent en proie à un désarroi croissant. Le jeune capitaine Willard (Martin Sheen) est chargé d’une mission secrète : il doit débusquer et tuer l’ancien officier de la US-Army. Travellings aériens, mise en scène explosive et interprétation remarquable font de cette étude du pouvoir et de la peur l’une des plus provocatrices de l’histoire du cinéma. En effet, Apocalypse Now adopte la structure d’un voyage hypnotique vers l’enfer, ponctué de séquences cauchemardesques : l’attaque aérienne d’un village vietnamien menée par le colonel Kilgore (Robert Duvall) pour trouver une « bonne vague à surfer » ; le massacre accidentel d’un sampan rempli de paysans ; les apparitions de Dennis Hopper en photographe de guerre illuminé ; jusqu’à la rencontre finale avec Brando, alias Kurtz, devenu un véritable dieu tribal au Cambodge et vivant dans l’attente d’une mort inexorable.
Sublimé par la photographie incandescente de l’incomparable Vittorio Storaro (1900, Dick Tracy, Wonder Wheel), Apocalypse Now constitue un véritable choc visuel et ses séquences surréalistes magnifient le chaos et l’horreur de la guerre du Vietnam. Dans le long plan d’ouverture, la jungle en flammes explose au son de The End des Doors ; une succession de surimpressions introduit ensuite Martin Sheen, cloîtré dans sa chambre d’hôtel. Plus tard, Willard et ses quatre compagnons s’enfoncent au cœur de la forêt vierge : les diverses étapes de leur voyage halluciné revêtent un caractère visuel de plus en plus irréel, voire onirique – la longue descente du fleuve métaphorise d’ailleurs l’effondrement de la civilisation – alors qu’une théâtralité obscène émane du décor brumeux.
Sur le plan esthétique, le film apporte la représentation la plus puissante et la plus marquante du conflit produite par Hollywood. Ici, le cinéaste de la démesure transcende le spectacle contemplatif de la guerre pour en faire une mélancolie morbide et monstrueuse.
En outre, la rencontre de Willard et Kurtz – lequel a perdu toute humanité –, est brillamment mise en scène : Brando et Sheen se livrent un « duel » dans l’antre du monstre nimbée d’une épaisse obscurité, clair-obscur et sfumato étant deux techniques picturales typiquement léonardiennes. L’affrontement s’achève par le biais d’un montage parallèle, associant le sacrifice d’un bœuf à la mort de Kurtz. La bande-son innovante, conçue par Walter Murch, conduit elle aussi le récit : La Chevauchée des Walkyries de Wagner, diffusée à plein volume, accompagne la troupe d’hélicoptères attaquant le village et illustre la folie guerrière du colonel Kilgore, tandis que le bruit étouffé des hélices fait place à celui des pales d’un ventilateur.
Cette version dite « définitive » illustre le perfectionnisme quasi obsessionnel de Coppola, prêt à tout pour remodeler et parfaire son œuvre tel De Vinci retouchant constamment sa Joconde. Plusieurs ajouts de la version longue de 2001 – laquelle permet de mieux cerner les personnages – ont ici disparu (Marlon Brando lisant des extraits de Time Magazine, les scènes de sexe avec les Playboy Bunnies). Mais le vol de la planche de surf de Kilgore par Willard ainsi que la fameuse séquence de la plantation française, dans laquelle Hubert de Marais (Christian Marquand) pérore sur l’Indochine et la grandeur perdue de la France, ont été conservées.
Inachevé et controversé à sa sortie, Apocalypse Now, également influencé par Aguirre, la colère de Dieu réalisé par Werner Herzog en 1972, a marqué le langage courant par des répliques comme « J’aime l’odeur du napalm au petit matin ». Le tournage chaotique et ses péripéties – budget pharamineux, hélicoptères prêtés par le dictateur Ferdinand Marcos repris pour combattre les groupes de rebelles, renvoi précipité de l’acteur Harvey Keitel, crise cardiaque de Martin Sheen, dialogues improvisés de Brando et de Hopper, typhon anéantissant les décors sophistiqués – ainsi que la longue production étalée sur quatre ans (dont deux pour la post-production) font partie de la légende.
Odyssée vietnamienne épique et psychédélique en forme d’énigme existentielle, « Apocalypse Now est un film sur la morale et l’humanité, et sur la manière dont on perd les deux » déclarait Coppola aujourd’hui âgé de 80 ans. Un cauchemar infernal aux couleurs vives qui symbolise les excès du réalisateur phare du Nouvel Hollywood. Fiévreux, radical, brut et percutant à la fois. Un film culte.
Blu-ray : Cette édition contient les trois versions (2h33 pour le montage originel, 3h22 pour le Redux de 2001 et 3h02 pour la version 2019) restaurées en 4K mais également plus de huit heures de contenu bonus, dont l’indispensable documentaire Aux cœurs des ténèbres : L’Apocalypse d’un metteur en scène, making-of le plus célèbre de tous les temps réalisé par Eleanor Coppola et George Hickenlooper au milieu du chaos, la mythique conférence de presse donnée à Cannes en 1979, ainsi qu’une interview du scénariste John Milius et Francis Ford Coppola portant sur les origines du script d’Apocalypse Now. Le tout est réparti sur six disques. La restauration à partir du négatif original bénéficie d’une puissance graphique et sonore remarquable et offre une expérience cinématographique bouleversante. À noter qu’elle a été rendue possible grâce à la technologie Dolby Vision®. L’image est éclatante. La bande-son d’Apocalypse Now – Final Cut a été mixée en Dolby Atmos® pour proposer une expérience sonore réellement immersive. À l’occasion du quarantième anniversaire de son chef-d’œuvre, Coppola en a profité pour restaurer les deux versions précédentes. Un Steelbook est également édité.
- APOCALYPSE NOW – FINAL CUT
- Sortie vidéo : 18 septembre 2019
- Format / Produit : Blu-ray 4K Ultra HD et édition limitée Steelbook
- Réalisation : Francis Ford Coppola
- Avec : Martin Sheen, Robert Duvall, Marlon Brando, Frederic Forrest, Albert Hall, Sam Bottoms, Laurence Fishburne, Dennis Hopper, G.D. Spradlin, Harrison Ford…
- Scénario : John Milius, Francis Ford Coppola, Michael Herr d’après la nouvelle Heart of Darkness de Joseph Conrad
- Production : Francis Ford Coppola
- Photographie : Vittorio Storaro
- Montage : Lisa Fruchtman, Gerald B. Greenberg, Richard Marks, Walter Murch
- Décors : George R. Nelson, John LaSalandra
- Costumes : Charles E. James
- Musique : Carmine Coppola, Francis Ford Coppola, The Doors (« The End »)
- Édition vidéo : Pathé
- Tarif : 29,99 € (Blu-ray) ; 34,99 (Steelbook)
- Durée : 3h02
- Sortie initiale : États-Unis : 15 août 1979 ; 3 août 2001 (Redux) – France : 26 septembre 1979 ; 11 mai 2001 (Redux)
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