Synopsis : Le film, qui relate une histoire originale inédite sur grand écran, se focalise sur la figure emblématique de l’ennemi juré de Batman. Il brosse le portrait d’Arthur Fleck, un homme sans concession méprisé par la société.
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Les fans du DCU attendent sa sortie depuis plus de deux ans. Une impatience qui n’a fait qu’aller crescendo et s’est étendu à un panel plus vaste de cinéphiles depuis que Joker a provoqué un vif engouement en remportant le Lion d’Or à la dernière Mostra de Venise, avec une standing-ovation de huit minutes. Distinction inédite pour un long-métrage estampillé super-héros, avec aux commandes un réalisateur habitué à la comédie (Very Bad Trip, War Dogs). Changement radical donc, pour concevoir une origin story sombre qui prend la forme d’un thriller psychologique. À travers la métamorphose exceptionnelle d’Arthur Fleck en Joker (Joaquin Phoenix), Todd Phillips façonne une nouvelle histoire créant une identité humaine à ce super-vilain dont les origines ont déjà eu le droit à plusieurs versions. Au-delà d’une grande liberté artistique, le cinéaste se base aussi sur deux célèbres comics, Killing Joke et The Man Who Laughs. S’ajoute à cette réussite monumentale un Joaquin Phoenix transcendant. Trois fois nommé aux Oscars et récompensé par un Prix d’interprétation masculine à Cannes pour sa performance dans A Beautiful Day, l’acteur de 44 ans confirme ici son talent implacable et qu’il est l’un des meilleurs de sa génération. Si l’on pense aux précédentes interprétations mémorables, comme celles de Jack Nicholson et de Heath Ledger, Phoenix marque ici considérablement son empreinte. Après une transformation physique radicale, il incarne une version totalement revisitée pour relater l’histoire personnelle de ce personnage emblématique de l’univers DC. Batman y est à peine entraperçu dans la peau d’un Bruce Wayne encore enfant. Joker tord ainsi le cou aux codes du film de comics en attribuant au super-méchant la place généralement accordée au super-héros.
Sans la moindre trace de super-pouvoirs, le film conserve l’iconographie du cartoon tout en marquant son affiliation au film d’auteur. Outre le clin d’œil avec la présence de Robert De Niro dans le rôle du présentateur de talk show, Murray Franklin, idole-ennemi du Joker, Todd Phillips puise à bon escient dans Taxi Driver, Raging Bull et La Valse des Pantins de Scorsese. Il emprunte non seulement l’esthétique des grandes villes déshéritées à ces chefs d’œuvres du 7e art, mais aussi leurs structures qui mettent en scène un protagoniste solitaire et psychologiquement instable évoluant dans un milieu urbain crasseux, violent et hostile pour en faire une allégorie sociétale.
Durant le tournage, les rues de Harlem sont ainsi devenues le Gotham City de la fin des années 1970 – début des années 1980. Joker se révèle un reflet percutant de la société actuelle à travers des thématiques excellemment réfléchies, comme l’influence des médias, l’exclusion, la culture de la violence, le mécontentement d’une partie de la population, les conditions précaires du service public…
Témoignant d’un véritable génie de mise en scène, le film, qui a déjà connu un succès phénoménal avant sa sortie officielle, se retrouve également au cœur d’une polémique. La violence montrée à l’écran et l’apparente valorisation d’un personnage mentalement troublé inquiète certains, surtout après la fusillade d’Aurora en 2012. Pourtant, si Joker montre le point de vue dramatique de ce personnage iconique de la pop culture, il n’en fait pas l’apologie. La figure de ce clown Prince du Crime révèle les failles humaines et systémiques. L’impact de la violence, tantôt retenue, tantôt exposée, vise à pousser à la réflexion sur l’état du monde.
S’il est devenu courant d’aborder les problématiques sociales dans l’univers des super-héros, Joker marque un véritable renouveau du genre. Résolument angoissante et atteignant une intensité rarement vue à l’écran, l’oeuvre de Todd Phillips nous confronte à un puissant miroir de la réalité d’une justesse stupéfiante.
- JOKER
- Sortie salles : 9 octobre 2019
- Réalisation : Todd Phillips
- Avec : Joaquin Phoenix, Robert De Niro, Zazie Beetz, Frances Conroy, Brett Cullen, Shea Whigham, Bill Camp, Douglas Hodge, Dante Pereira-Olson, Carrie Louise Putrello
- Scénario : Todd Phillips et Scott Silver
- Production : Todd Phillips, Bradley Cooper, Emma Tillinger Koskoff, David J. Webb
- Photographie : Lawrence Sher
- Montage : Jeff Groth
- Décors : Mark Friedberg
- Costumes : Mark Bridges
- Musique : Hildur Gudnadottir
- Distribution : Warner Bros. France
- Durée : 2h02