Livre / Barbarella. Une space oddity : critique

Publié par Jacques Demange le 18 janvier 2020

Résumé : Être Barbarella, c’est d’abord et avant tout être une femme. Une femme libre et indépendante, émancipée et aventurière, séduisante et fascinante, pleinement inscrite au cÅ“ur des mouvements les plus avant-gardistes de son époque, les sixties. Dessinée par Jean-Claude Forest dès 1962 à partir de la plastique, elle-même révolutionnaire, de Brigitte Bardot, incarnée au cinéma, de manière immédiatement légendaire, par Jane Fonda pour la caméra de Roger Vadim en 1968, Barbarella brise les tabous comme les images stéréotypées de pin-up de la bande dessinée et du cinéma. Fille de l’espace, elle est aussi une fille de son temps, qui traverse à toute vitesse les galaxies et les récits les plus fantasques de la science-fiction comme les problématiques les plus cruciales de la fin du XX’ siècle: l’éthique et l’érotique, la liberté des corps et des esprits, l’antispécisme et le transhumanisme, l’urgence écologique et la critique des modes de gouvernance. Ambassadrice de la paix, Barbarella fait l’amour plutôt que la guerre; sa conquête spatiale est celle du plaisir, son odyssée, sauvage et impromptue, ouvre le champ de tous nos possibles.

♥♥♥♥♥

 

Barbarella - une space oddity

Barbarella – une space oddity

Née sous la mine du dessinateur français Jean-Claude Forest, Barbarella, son caractère et ses formes, incarne un imaginaire traversé par les révolutions culturelles des sixties. Si le modèle de la figure dessinée reste Brigitte Bardot, ce sera Jane Fonda qui lui prêtera chair et voix dans le film que lui consacre Roger Vadim en 1968. Entre érotisme et libérations des idées, Véronique Bergen, philosophe, romancière et poète, propose une description érudite de la métaphysique pop à l’origine du parcours entrepris par la gracieuse blonde de papier. Aux problématiques centrales des espaces et des temps répondent ainsi l’élaboration de pistes de lecture qui soulignent à la fois la singularité des histoires narrées par Forest et la haute valeur philosophique qui détermine la saga Barbarella. Le transpécisme, l’idiome, l’écosystème s’articulent autour de motifs (le miroir) ou de thématiques (l’amour) qui expriment une transgression des tabous et une volonté de mettre en cause le statu quo d’une civilisation qui a cessé de chercher ses réponses dans les étoiles. En résulte le portrait d’une héroïne indépendante et libérée des carcans civilisationnelles. Sorte de pythie intergalactique, Barbarella est une authentique voyageuse temporelle. Les réflexions critiques et politiques qui traversent souterrainement les cases de ses bandes dessinées, et qu’identifient avec talent Bergen, interrogent ainsi nos propres mÅ“urs et crises contemporaines marquées par le réchauffement climatique, la montée en puissance des nationalismes, et l’idéologie totalisante du super-libéralisme.

 

Grande défenseure des « puissances nietzschéennes du rire, de la danse et du jeu », Barbarella s’impose en définitive comme une anti-Wonder Woman, mettant moins en cause la domination masculine par la reprise de ses tropes, qu’interrogeant une structure de pouvoir plus générale touchant l’ensemble des minorités (faune et flore comprises). Ce n’est donc pas tant la domination d’un genre ou d’un sexe que vise Barbarella que le principe même de la domination. À l’heure des attaques et rebuffades par # et autres symboles promulgués par les interfaces du numérique, Barbarella se présente comme une rebelle exemplaire.

 

Félicitons cet ouvrage de nous permettre de reprendre acte avec la réalité de ce personnage dont les luttes n’ont rien perdu de leur actualité. Ce plaisir de redécouverte reste malgré tout entaché par un choix éditorial dont nous avions déjà souligné la principale limite. Ainsi de l’absence d’une bibliographie qui aurait permis au lecteur de mieux repérer la chronologie des aventures de Barbarella avant de s’y jeter à son tour (à corps consentant, bien entendu). 

 

 

 

  • BARBARELLA. UNE SPACE ODDITY
  • Autrice : Véronique Bergen
  • Éditions : Les impressions nouvelles
  • Collection : La fabrique des héros
  • Langues : français uniquement
  • Date de parution : 16 janvier 2020
  • Format : 128 pages
  • Tarif : 12 € (print) – 7,99 € (numérique)

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