Résumé : Le goof au cinéma, c’est le reflet d’un caméraman, une arme qui passe d’une main à l’autre, une cigarette qui change soudain de taille ou un gobelet de café contemporain sur une table médiévale. C’est une anomalie négligeable, mais formidablement révélatrice de nos attentes techniques et esthétiques sur la fiction. Si les chasseurs de goofs existent dès la naissance du cinématographe, le triple avènement de la culture geek, d’internet et de la vidéo domestique a donné à cette forme de cinéphilie une dimension planétaire. Que dévoile cet engouement pour le détail, a priori insignifiant, tant du point de vue des spectateurs que des professionnels du film ? Qu’attend-on d’une fiction où tout est faux, et où pourtant le moindre anachronisme déchaîne les passions des amateurs et des spécialistes ? En quoi le goof et les tensions qu’il cristallise, mettent en relief les enjeux du pacte fictionnel et de ses mutations, à l’ère du numérique ?

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Le goof au cinema

Le goof au cinema

La recherche de l’erreur nichée à l’intérieur ou entre les images du film est devenue l’une des nouvelles habitudes de la cinéphilie 2.0. La présence d’un membre de l’équipe de tournage dans le coin du cadre, l’apparition fugitive d’un micro au-dessus de l’acteur, l’objectif de la caméra reflété par un miroir, ou la présence d’un accessoire anachronique dans un film d’époque, constituent des petits graals que le spectateur-explorateur s’empresse de rapporter sur les sites et forums qui leur sont dédiés. Par le terme générique de “goof”, Réjane Hamus-Vallée, professeure des universités au sein de l’Université d’Évry/Paris Saclay et spécialiste de la question des effets spéciaux au cinéma, et Olivier Caïra, maître de conférences en sociologie au Centre Pierre Naville (Université d’Évry/Paris Saclayr) et déjà auteur d’un certain nombre d’ouvrages sur le rôle de la fiction, se proposent d’expliciter trois types d’erreurs symptomatiques : les « incohérences internes » qui ont partie liée avec le travail en post-production (l’emblématique faux raccord), les « incohérences externes » relatives aux anachronismes et autres anomalies culturelles, et les « catalepses » qui révèlent les artifices employés durant ou après le tournage (la fameuse perche plus ou moins visible en haut de l’image). La qualité de cet ouvrage, qui, rappelons-le, possède un précédent (le Cinémato-gaffes de Bill Givens paru en 1993 chez Ramsay), relève principalement de son articulation réussie entre trois tendances complémentaires : la technique, l’esthétique, et la réception des films. De fait, l’approche adoptée s’attarde autant sur des questions d’ordre sociologique que formelle. Le repérage des “goofs” aurait donné naissance à une « cinéphilie augmentée », encouragée par l’apparition du DVD et du Blu-ray qui permet de voir les films autrement (possibilité d’opérer des zooms sur les images tout en profitant d’un matériau de travail d’excellente facture).

 

Mais par ailleurs, l’erreur ou la gaffe peuvent être délibérées, relevant d’un choix du cinéaste afin d’amplifier un effet visuel ou dramaturgique (les cheveux de Greta Garbo emportés par un vent dont le souffle semble contraire à celui qui pousse son bateau à la fin de La Reine Christine). Le “goof” évolue avec le temps, s’adapte et se module avec les nouvelles techniques. Si le reflet du projecteur sur les lunettes de l’aveugle dans Le Jour se lève ne pourrait plus exister aujourd’hui, le numérique a apporté avec lui de nouvelles anomalies non moins sensibles (la coque du bateau trop arrondie et l’eau à l’aspect artificiel dans Le Dernier Samouraï). 

 

Par le biais d’encarts, les auteurs reviennent sur certains points précis (les figurants, les accessoires, les costumes, le maquillage, la représentation du sport…), permettant de dresser une sorte de typologie des “goofs” les plus redondants et saillants. L’intérêt véritable du propos est redoublé par la présence de nombreuses captures d’écran qui illustrent les phénomènes développés dans le texte. On regrettera simplement que leur rendu en noir et blanc opacifie quelque peu leur composition. Ce petit manque mis à part, il faut souligner le plaisir évident pris à la lecture de ce (court) essai qui confère au “goof” une légitimité scientifique.

 

 

 

  • LE GOOF AU CINÉMA. DE LA GAFFE AU FAUX RACCORD, LA QUÊTE DE L’ANOMALIE FILMIQUE
  • Auteurs : Réjane Hamus-Vallée et Olivier Caïra
  • Éditions : L’Harmattan
  • Collection : De Visu
  • Date de parution : 19 mars 2020
  • Langues : Français uniquement
  • Format : 134 pages
  • Tarif : 15 euros (print) – 10,99 € (numérique)

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