Résumé : » La musique doit vous dire quelque chose que vous ne savez pas encore, qu’on ne peut pas deviner en regardant uniquement les images. » Cette vision exprimée par le compositeur Carter Burwell se retrouve chez son homologue Bruno Coulais qui donne à la musique la mission de « capter les choses invisibles du film ». Comme le résume le réalisateur-compositeur Tom Tykwer : « Lorsque vous écrivez un script, vous étudiez la structure, alors que quand vous écrivez de la musique, c’est beaucoup plus porté sur l’émotion abstraite. » Cette problématique des « deux histoires en une », l’une visuelle, « matérielle », qui « étudie la structure », l’autre sonore, « spirituelle » et « beaucoup plus porté[e] sur l’émotion abstraite », suppose indéniablement une complémentarité, au même titre que la conscience et le cérébral pour Bergson ou l’esprit et le corps pour Descartes, qui pose la question des théories reposant sur les principes de concordance ou de non-concordance entre musique et images.
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À travers cette courte étude, c’est l’idée d’union qui prime. La relation entre musique et cinéma se voit en effet analysée selon un ensemble de notions dont Yohann Guglielmetti, réalisateur, compositeur, Docteur en Arts de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et déjà auteur de Silence, bruit et musique au cinéma (L’Harmattan, 2020), pointe les prolongements, les limites et les quelques contre-sens. En encadrant son écrit par un retour sur l’œuvre du réalisateur-compositeur allemand Tom Tykwer (Maria la Maléfique, Cours Lola, cours, Heaven, Le Parfum, Un Hologramme pour le Roi et Cloud Atlas, coréalisé avec les sœurs Wachowski), l’auteur affirme sa volonté d’aborder le couple musique-cinéma autrement, c’est-à-dire hors des sentiers battus de la théorie cinématographique. Son premier point de désaccord concerne la dynamique du contre-point dont Guglielmetti discute les usages abusifs depuis la parution du Manifeste « contre-point orchestral » d’Eisenstein, Poudovkine et Alexandrov en 1928. En soulignant la triple-erreur (lexicale, physiologique et historique) qui entache le recours au terme, l’ouvrage cherche à redéfinir le rapport désaccordé et intérieur de la bande-musicale et de la bande-image. En reprenant à son compte les concepts de « musique empathique » et « musique anempathique » forgés par Michel Chion, Guglielmetti propose une série d’analyses de séquences qui de Viva Maria à Million Dollar Baby en passant par Violence et Passion, Thelma et Louise, Philadelphia, Un Hussard sur le Toit, ou encore L’Attaque des Clones, associe éclectisme du corpus et pluralité des approches abordées. Le leitmotiv ou la question des réalisateurs-compositeurs (Clint Eastwood, John Carpenter) s’offrent ainsi comme des clés d’entrée pour aborder l’importance du rôle diégétique incarné par la musique ou éclairer certains termes techniques moins connus (le « continuum sonore » ou le « portamento »). La présence d’un index des noms et des films ainsi que d’une bibliographie assez dense complètent parfaitement cette étude qui approfondit un domaine d’étude encore un peu plus assuré dans sa légitimité scientifique et dont on prend conscience des indéniables possibilités de découvertes.
- MUSIQUE ET CINÉMA, L’UNION LIBRE
- Auteur : Yohann Guglielmetti
- Éditions : L’Harmattan
- Collection : Champs visuels
- Date de parution : 24 février 2020
- Langues : Français uniquement
- Format : 120 pages
- Tarif : 13,50 € (version print) – 9,99 € (numérique)