Ressortie / Quelle joie de vivre de René Clément : critique

Publié par Jacques Demange le 3 août 2020

Synopsis : Rome 1921. Ulysse (Alain Delon) et son ami Turidu (Giampiero Littera), libérés du service militaire, s’installent dans la capitale pour trouver un travail. Sans emploi, ils rallient les Chemises noires mussoliniennes, pour lesquelles ils doivent localiser une imprimerie de tracts antifascistes. Là, Ulysse y rencontre Franca (Barbara Lass), la fille de l’imprimeur. Pour la séduire, il se fait passer pour un légendaire terroriste anarchiste et se laisse prendre au jeu…

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Quelle joie de vivre - affiche

Quelle joie de vivre – affiche

Si le tandem René Clément-Alain Delon renvoie naturellement à la réussite de Plein Soleil qui, on le sait, joua un rôle majeur dans la mythologie de l’acteur, les Films du Camélia, à qui l’on doit déjà la ressortie en salles de L’Amour à la ville, nous rappelle la présence de ce film qui fut progressivement oublié par l’Histoire. Cette méconnaissance est injustifiée au regard de la qualité d’une production qui réaffirme les qualités d’un cinéaste trop longtemps rangé dans la catégorie du “cinéma de papa” et souligne la cohérence de la filmographie du Delon des années 1960. La première marque de cette continuité se trouve évidemment du côté de l’Italie. Quelle joie de vivre prolonge en effet la coproduction franco-italienne initiée par Plein Soleil et participe à l’italianité de l’acteur français qui après Rocco et ses frères continuera d’apparaître dans certains des grands monuments du cinéma transalpin (L’Éclipse d’Antonioni, Le Guépard de Visconti). C’est encore par cette spécificité transnationale que Quelle joie de vivre se distingue le plus nettement. Difficile en effet de ne pas penser aux comédies de Dino Risi en assistant à ce marivaudage sur fond de guerre politique et sociale. Bien que le tempérament de Clément (qui participa à l’écriture du scénario aux côtés de Leonardo Benvenuti et Piero De Bernardi) soit moins acidulé que celui de son homologue italien, le cinéaste français valorise sa maîtrise du gag. Le comportement grotesque s’associe à la fourberie de l’arriviste amoureux pour distiller ici et là d’excellentes répliques signées par Pierre Bost et se développer à travers une architecture calculée du cadre. L’espace prend ainsi la forme d’une scène théâtrale, jouant des différents niveaux de lecture permis par l’usage du hors-champ spatial et sonore. Cette particularité fait évidemment la part belle au jeu des acteurs marqué par le travestissement et la liberté de gestes de la commedia dell’arte. On soulignera ainsi la gouaille de Carlo Pisacane, la présence d’Ugo Tognazi en anarchiste bulgare, et même l’apparition de René Clément qui s’offre pour l’occasion le costume de général.

 

 

 

Quelle joie de vivre propose par ailleurs un contrechamp saisissant à l’atmosphère sombre de Plein Soleil. Si ce dernier s’épanouissait dans le contraste entre l’intériorité torturée du mystérieux Tom Ripley et l’apparence avantageuse de son interprète, Quelle joie de vivre opte pour une tonalité délibérément tournée vers la dérision. Delon anticipe ainsi sur les futures mises en boite des séducteurs du cinéma américain contemporains (de George Clooney à Brad Pitt). Son côté félin se voit ainsi presque immédiatement ridiculisé au début du film par la mise en scène d’un combat de chats de gouttière auquel l’acteur prête un intérêt gastronomique.

 

On prend alors conscience que René Clément avait tôt compris l’intérêt de creuser l’image de sa jeune vedette dont la décennie 1960 marqua la consécration internationale. Là où le personnage de Tom Ripley faisait montre d’une remarquable logique criminelle, le Ulysse de Quelle joie de vivre se voit vite dépassé par les événements, affichant une image lisse mais progressivement troublée par des pointes d’ambiguïté. Son amourette avec la charmante Barabara Lass (dont la beauté candide n’est pas sans rappeler celle de Natalie Wood) se transforme ainsi en une manipulation sentimentale qu’on aurait souhaité voir plus nettement s’accomplir.

 

Cette petite lacune n’empêche de profiter pleinement de cette production qui mérite d’être réhabilitée. La restauration 2K née de la collaboration entre Intramovie, Paola Corvino, Mediaset et la Fondation René Clément remplit pleinement cet objectif. Au-delà de la seule qualité de l’image, ce travail permet de profiter des ingéniosités sonores de ce film qui se doit d’être apprécié à sa juste valeur.

 

 

 

  • QUELLE JOIE DE VIVRE (Che gioia vivere)
  • Ressortie salles : 5 août 2020
  • Version restaurée 2K
  • Réalisateur : René Clément
  • Avec : Alain Delon, Barbara Lass, Gino Cervi, Rina Morelli, Carlo Pisacane, Paolo Stoppa, Giampiero Littera, Ugo Tognazzi, Aroldo Tieri, Didi Perego, Annibale Ninchi, Nanda Primavera, René Clément
  • Scénario : René Clément, Leo Benvenuti, Piero De Bernardi à partir d’une idée originale de Gualtiero Jacopetti
  • Production : Franco Magli
  • Photographie : Henri Decaë
  • Montage : Madeleine Lecompère, Fedora Zincone
  • Décors : Piero Zuffi
  • Costumes : Pier Luigi Pizzi
  • Musique : Angelo Franceco Lavagnino
  • Distribution ressortie en salles : Les Films du Camélia
  • Durée : 1h53
  • Sortie initiale : 11 mai 1961 (au Festival de Cannes et en Italie) – 15 mai 1961 en France

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