Résumé : Michel Vianey dresse un portrait de Jean-Luc Godard à la fois tendre et espiègle. Venu couvrir le tournage du Mépris pour L’Express, Vianey décide de faire, de JLG, un livre. Il le suit, interroge Anna Karina, puis s’arrête longuement sur le tournage du film Masculin féminin (1966). Jean-Pierre Léaud, Chantal Goya ou Marlène Jobert y côtoient Brigitte Bardot, le chef opérateur Willy Kurant, la monteuse Agnès Guillemot, sans oublier un assistant réalisateur nommé Pascal, et qui n’est autre que Pascal Aubier auquel David da Silva consacré un ouvrage intitulé Le Dormeur, et qui paraît conjointement avec ce Roman de Godard.
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Paru pour la première fois en 1967 (sous le titre En attendant Godard chez Grasset), l’ouvrage de Michel Vianey, journaliste, scénariste et réalisateur, séduit par sa prose insolite. Entre témoignage et roman, l’auteur raconte sa rencontre avec Godard, puis leur relation établie entre les confidences à demi-cachées et les non-dits pleins de vérité. Car ce qui ressort de la lecture de ce carnet de voyages, c’est le caractère insaisissable d’une figure fuyante et émouvante dont Vaney a su capter l’énergie, les incertitudes et les multiples paradoxes. Godard donc qui se dédouble à l’écrit et impose son style aux images. Godard qui se joue du petit monde du cinéma, feint de consentir aux codes pour mieux s’en échapper. Un Godard que le cinéphile connaît, regard dissimulé derrière ses lunettes noires, faconde distillée avec soin à travers le rebondissement des aphorismes qui ponctuent chacune de ses sorties médiatiques. Godard, certes, mais pas seulement. Car Vianey s’intéresse plutôt à Jean-Luc (qui emprunte ici le patronyme d’Edmond). Un homme frappé par la solitude d’une rupture amoureuse, buvant silencieusement son café, hésitant sur la (dé)marche à suivre. Entre Godard et Edmond, un univers gravite. Ce sont les producteurs, les machinistes, les comédiens, les amis, les connaissances. Vianey les rencontre, discute avec eux, décrit leur comportement et réactions face à la personnalité changeante et vibrante de l’homme qui les a réunis. Entre le tournage du Mépris et celui de Masculin féminin, un choc se produit ou plutôt se poursuit. La fin de la romance avec Anna Karina n’efface pas le sentiment qui continue d’alimenter la tristesse d’Edmond et la fièvre créatrice de Godard. Le talent de Vianey tient à la témérité de son écriture. Sans abandonner le ton de la chronique, l’auteur l’approfondit d’une poétisation propre au souvenir. Le rythme est syncopé, haletant, le récit parfaitement mené. Des scènes tournées à l’envers du décor, Vianey trace des traits d’union sans cesse détournés de leur point d’origine. Le mot, souvent juste, s’ouvre à différents horizons et visages que reconnaît d’abord le lecteur (Karina, Jean-Pierre Léaud, Brigitte Bardot, Marlène Jobert, Chantal Goya…) avant d’accepter le fait accompli que lui impose l’auteur : de JLG tout reste encore à découvrir.
- LE ROMAN DE GODARD
- Auteur : Michel Vianey
- Édition : Marest Éditeur
- Date de parution : 6 octobre 2020
- Première parution : 1967
- Langues : Français uniquement
- Format : 192 pages
- Tarif : 17 €