Résumé : Considérer le cinématographe comme un art après plus d’un siècle de débats n’est pas forcément une chose acquise. A l’exception des initiés (ceux qui font du cinéma, qui écrivent et/ou réfléchissent sur le cinéma), qui oserait, parmi le grand public, mettre sur le même plan de considération les noms d’Hitchcock, Chaplin, Visconti, Welles… et ceux de Rembrandt, Hugo, Mozart, Raphaël, Faulkner..? Tel est bien l’enjeu des Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard.
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Que l’on soit ou non un adepte du cinéma de Jean-Luc Godard, la vision de ses Histoire(s) du cinéma demeure une expérience captivante. Mise-en-film d’une entreprise critique et historique, le documentaire déploie son discours selon une chronologie toute arbitraire et une confusion savamment orchestrée entre le fond et ses formes. La qualité impressionniste du film force à une appréhension subjective de ses images et se présente comme un véritable défi à toute approche herméneutique de sa structure. Il faut donc immédiatement reconnaître le mérite de l’ouvrage de Frédéric Hardouin, chercheur en histoire et esthétique du cinéma : celui d’être parvenu à capturer dans son entièreté un objet d’étude hétéroclite et complexe tout en concrétisant ses ambitions de synthèse. Empruntant tour à tour le ton de l’analyse et du décryptage, l’écrit confond son développement avec celui du film de Godard. Encadré par trois temporalités générales (temps du réel, temps du sacré, temps du mythe), chaque segment se voit ainsi explicité à travers différents prolongements qui s’appuient sur des descriptions très précises de leurs images. Cette qualité descriptive est parfaitement relayée par les nombreuses captures d’écran qui émaillent l’ouvrage ainsi que par des annexes fournies comprenant index des noms, liste des films, des réalisateurs et des compositeurs cités par Godard. Cette érudition s’accomplit encore à travers l’adoption d’une posture transversale qui éclaire les liens établies par Godard entre cinéma, peinture et littérature. La valeur scientifique de l’écrit souffre cependant de quelques écueils. La réflexion de Hardouin semble parfois submergée par le monument que constituent les Histoire(s) du cinéma. En résulte une pensée centripète qui, bien que s’accordant avec l’esprit du film abordé, empêche l’esquisse d’ouvertures qui auraient permis le renouvellement des perspectives premières. Ainsi de la place occupée par cette production dans la filmographie du réalisateur, ou de l’intérêt du dispositif vidéo dans son approche du cinéma. Reste la précision d’une analyse souvent lumineuse et toujours stimulante qui permet de saisir dans sa globalité la singularité théorique et formelle d’une oeuvre majeure du Septième art.
- LE CINÉMATOGRAPHE SELON GODARD. INTRODUCTION AUX HISTOIRE(S) DU CINÉMA OU RÉFLEXION SUR LE TEMPS DES ARTS
- Auteur : Frédéric Hardouin
- Éditons : L’Harmattan
- Collection : Champs visuels
- Date de parution : 19 août 2019
- Format : 222 pages
- Tarif : 23,50 € (print) – 17,99 € (numérique)