Synopsis : Passionné de jazz et professeur de musique dans un collège, Joe Gardner a enfin l’opportunité de réaliser son rêve : jouer dans le meilleur club de jazz de New York. Mais un malencontreux faux pas le précipite dans le « Grand Avant » – un endroit fantastique où les nouvelles âmes acquièrent leur personnalité, leur caractère et leur spécificité avant d’être envoyées sur Terre. Bien décidé à retrouver sa vie, Joe fait équipe avec 22, une âme espiègle et pleine d’esprit, qui n’a jamais saisi l’intérêt de vivre une vie humaine. En essayant désespérément de montrer à 22 à quel point l’existence est formidable, Joe pourrait bien découvrir les réponses aux questions les plus importantes sur le sens de la vie.
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Diffusé sur la plateforme Disney+, Soul mériterait indubitablement une sortie en salles lorsque la situation sanitaire le permettra (rappelons tout de même que le film, initialement sélectionné pour le Festival de Cannes 2020, a bénéficié d’une projection au Festival Lumière ainsi qu’au Festival du film de Londres). À la réalisation, Pete Docter, un nom bien connu de la maison Disney-Pixar pour être à l’origine de certaines des plus belles réussites du studio que ce soit en tant que scénariste (Toy Story ; Toy Story 2 ; Wall-E) et/ou réalisateur (Monstres et Cie ; Là -haut ; Vice Versa). Au-delà de ce tableau de chasse bien garni, Docter peut se targuer d’être l’un des artisans de la greffe réussie entre les mondes de Disney et de Pixar, empruntant à l’univers humanisé du premier pour enrichir l’originalité visuelle et dramaturgique propre au second. Cet aspect se retrouve directement dans Soul qui associe deux cadres topographiques à travers un jeu d’oppositions et de complémentarités. D’abord, le monde des âmes marqué par un goût certain pour les formes abstraites et le style référentiel (on songe notamment au cubisme mais aussi aux expérimentations de l’animateur canadien Norman McLaren) ; ensuite, le monde des humains qui émerveille par son sens du détail et son réalisme sans pour autant perdre la valeur féérique de l’esprit disneyen. Rapidement, le spectateur prend conscience de la première gageure du film : être parvenu à concilier deux extrêmes formels pour obtenir une synthèse aussi étonnante que convaincante. À l’instar de Vice Versa, Soul évite soigneusement la carte de la sécurité pour défendre un point de vue dont l’exigence artistique répond à la profondeur de son discours. Car le scénario cosigné par Docter, Mike Jones et Kemp Powers (par ailleurs crédité comme co-réalisateur du film) évite soigneusement la propension actuelle de l’animation pour le second degré et le clin d’œil appuyé.
C’est une défense honnête de l’humanisme qui prévaut ici. Les cyniques pourront tirer la langue mais auraient tort de passer à côté de la profondeur philosophique de l’argument. Car ce n’est rien de moins qu’une transposition contemporaine de la philosophie platonicienne que nous propose Soul. Une version simplifiée et évidemment portée par la sacro-sainte injonction du divertissement, mais une version qui a néanmoins pour elle le bénéfice de la nuance.
Si la thématique du jazz s’y prêtait aisément, Pete Docter et ses collaborateurs ont pris soin d’éviter tout cliché ou tentation folklorique. Là où Coco (2017) s’épanouissait principalement dans une réappropriation (plutôt) réussie de la culture mexicaine, Soul ne s’engage jamais sur la pente facile d’une démagogie opportune. La bande musicale le prouve. Si les improvisations au piano émeuvent, Trent Reznor et Atticus Ross ont su trouver le ton juste avec des compositions électroniques et minimalistes qui assurent la tonalité syncrétique de l’ensemble.
Pas de sous-discours venant enfoncer des portes ouvertes donc, mais une volonté de transcender un sujet dont la cause principale peut, et doit sans doute, particulièrement nous toucher dans la période actuelle : une défense de la vie tous azimuts. Que la fin du film vienne totalement clore la péripétie ne peut que nous réjouir et souligne l’humilité des créateurs qui semblent immédiatement se prémunir de toute possibilité de suite.
Soul devrait donc parvenir à réunir les anciens fanatiques de Pixar/Disney et les plus jeunes des spectateurs. Car au creux des images se trouve peut-être l’une des plus nobles ambitions de ce film : retrouver quelque chose de l’énergie visuelle qui habitait les plus singulières productions du studio. Ainsi de Fantasia (1940), ses ballets chromatiques et abstraits, mais aussi sa volonté de concilier culture consacrée et culture populaire. Preuve, peut-être, que la multinationale Disney n’a pas encore totalement perdu son âme.
- SOUL
- Date de diffusion : 25 décembre 2020
- Chaîne / Plateforme : Disney +
- Réalisation : Pete Docter et Kemp Powers
- Avec : Jamie Foxx (Joe Gardner), Tina Fey (22), Questlove (Curly), Phylicia Rashad (Libba Gardner), Rachel House (Terry), Richard Ayoade (Jerry), Angela Bassett (Dorothea Williams), Graham Norton (Vendelune)
- Scénario : Peter Docter, Mike Jones, Kemp Powers
- Production : Dana Murray
- Photographie : Matt Aspbury, Ian Megibben
- Montage : Kevin Nolting
- Musique : Trent Reznor, Atticus Ross
- Durée : 1h40