Synopsis : Jack Lemmon doit beaucoup à sa collaboration avec Billy Wilder qui l’a fait tourner dans «Certains l’aiment chaud», où il incarne un musicien travesti, ou «La Garçonnière» et «Irma la Douce». Lemmon a obtenu deux Oscars : celui du meilleur second rôle en 1956 pour «Permission jusqu’à l’aube» de John Ford et celui du meilleur acteur en 1974 pour «Sauvez le tigre» de John G. Avildsen. Il est aussi connu pour son duo comique avec Walter Matthau avec lequel il a tourné dix films. Il aimait également les œuvres engagées : «Le Syndrome chinois» de James Bridges et «Missing» de Costa-Gavras lui ont valu le prix d’interprétation masculine au festival de Cannes. Le portait passionnant d’un acteur au physique de monsieur tout-le-monde.
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Après Billy Wilder, la perfection hollywoodienne, l’un de leurs nombreux documentaires consacrés à l’âge d’or hollywoodien, Julia et Clara Kuperberg s’intéressent cette fois à celui qui fut son acteur fétiche et le protagoniste de certains de ses plus célèbres films et succès : Jack Lemmon. Hollywood, qui a permis l’éclosion et fabriqué tant de stars démesurées, a aussi révélé ce comédien atypique comme l’incarnation même du type ordinaire. Jack Lemmon, une vie de cinéma met ainsi en lumière cet homme étonnant, dont la longévité sur les écrans fut exceptionnelle ; sa carrière débute dans Une femme qui s’affiche (1954) de George Cukor et se termine avec La légende de Bagger Vance (2000) réalisé par Robert Redford. C’est d’ailleurs Jack Lemmon lui-même qui ouvre le film. Via des images d’archives, il raconte au journaliste qui l’interviewe qu’il ne s’intéressait absolument pas au départ au cinéma, réservé selon ses propres mots « aux beaux gosses aux cheveux bouclés ». Il ambitionnait plutôt le théâtre. Mais c’est justement grâce à son physique passe-partout, de Monsieur Tout-le-monde, qu’il perce à l’écran. Et c’est ce que nous content les soeurs Kuperberg à travers deux intervenants de choix, les historiens du cinéma Tony Maietta et Marc Wanamaher, qui s’accordent à resituer sa carrière dans le contexte historique de l’Amérique des années 60 et du déclin des grands studios d’Hollywood.
Ainsi, après avoir fait de nombreux shows télévisés pour CBS, il est repéré par le tyrannique magnat de la Columbia, Harry Cohn, qui le reçoit cravache à la main et décide de l’embaucher car le jeune débutant a étudié à Harvard. Il fait donc ses premiers pas sur grand écran aux côtés de Judy Hallyday, une autre star fabriquée par les studios, dans Une femme qui s’affiche (1954) de George Cukor. Sa pratique du théâtre lui permet de débiter avec rythme les longues tirades typiques des screwball comedies, et suite à son passage à la télévision, de se positionner par rapport à la caméra. C’est sous la houlette de Cukor qu’il perfectionne son jeu et apprend la sobriété.
Après avoir reçu l’Oscar du meilleur second rôle pour Permission jusqu’à l’aube (1955) de John Ford, il est enfin repéré par Billy Wilder qui lui propose d’incarner Daphne dans Certains l’aiment chaud (1959). Subversif, émaillé de sous-entendus sexuels, et malgré des allusions à une homosexualité sous-jacente, le film échappe à la censure du code Hays et fut un énorme succès. Jack Lemmon devient dès lors l’interprète privilégié des comédies de Billy Wilder, La garçonnière (1960) et Irma la douce (1963) qui exploite avec jubilation davantage son jeu sous-tendu d’un autre sous-texte plus ambigu et sexuel. C’est sur La grande combine (1966) qu’il rencontre Walter Mathau avec lequel il formera un duo comique pour des buddy movies qui traverseront les décennies, de Drôle de couple (1968) à Grincheux 2 (1995).
L’alternance de ses interviews, où il se livre à sa propre rétrospective, et les images d’archives donnent un tableau assez complet de l’ambiance dans lequel il évoluait. Une brillante carrière due à sa réceptivité au monde qui l’entoure, le poussant à choisir des scénarios en phase avec l’évolution sociale et politique de son époque et à l’amener à interpréter des rôles plus modernes et politisés. À l’instar de Missing de Costa-Gavras avec lequel il décroche le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes en 1982. Passionnant, ce documentaire dévoile ainsi avec fluidité les multiples facettes de cet acteur qui n’est pas aussi lisse qu’il ne le paraît et dont l’engagement et les convictions progressistes ne font que se renforcer au fil des années.
Les sœurs Kuperberg rendent ici un bel hommage à son immense talent, au jeu polyvalent et discret, à ses rôles complexes et à l’une des stars hollywoodiennes les plus attentives aux changements de son époque.
Hélène Joly
- JACK LEMMON, UNE VIE DE CINEMA
- Diffusion : le 2 janvier 2021 à 22h40
- Chaîne / Plateforme : OCS Géants
- Réalisation : Clara et Julia Kuperberg
- Avec : Jack Lemmon, Tony Maietta, Marc Wanamaher
- Production : Wichita Films
- Montage : Clara et Julia Kuperberg
- Image et son : Martin Ehleben
- Durée : 52 minutes