Résumé : Les séries télévisées constituent depuis des années la forme privilégiée dans laquelle notre culture se projette, mais Black Mirror représente bien plus que cela : c’est un fait socioculturel emblématique du monde contemporain qui esquisse la société du futur en décrivant de manière paroxystique ce que nous vivons déjà — la dystopie au cœur du quotidien. Œuvre totale, la création de Charlie Brooker explore la médiatisation de l’existence dont nous faisons l’expérience entre trolls, haters, sexting, surveillance, stories, cancel culture et analyse prédictive. S’y arrêter permet non seulement de voir notre époque comme une catastrophe, mais surtout de comprendre ce qui est en train de surgir des cendres de l’humanisme et de la modernité: l’aurore numérique.

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Black Mirror et laurore numerique

Black Mirror et l’aurore numérique

Depuis sa diffusion en 2016 sur la plateforme Netflix, la série Black Mirror (créée en 2011) a su fédérer une audience élargie, allant du grand public aux cinéphiles en passant par les chercheurs universitaires. Les univers dystopiques inventés par Charlie Brooker ont en commun de nourrir l’imaginaire médiatique d’une forte dose de cynisme qui met en lumière nos propres pratiques d’individus hyperconnectés. De fait, la série invite à une lecture plurielle, sociologique et politique, mais aussi esthétique tant le soin apporté à la forme de la mise en scène est important. C’est sur ce pluralisme disciplinaire que se fonde la première qualité de cette étude coécrite par Claudia Attimonelli, sociosémiologue et enseignante-chercheuse en cinéma, médias et imaginaire à l’université Aldo-Moro à Bari, et Vincenzo Susca, maître de conférences en sociologie à l’université Paul-Valéry Montpellier 3. À travers une analyse fouillée de nombreux épisodes, les auteurs interrogent différentes problématiques qui, de la représentation à l’altérité, explicitent les enseignements livrés par la série. Clairement orienté vers une approche scientifique de son objet d’étude, le propos ne se laisse pas approcher facilement et nécessite une certaine base théorique de la part du lecteur. C’est là le propre du travail universitaire qui profite d’une érudition impressionnante mais manque parfois d’une explicitation approfondie de ses concepts. Reste que l’écriture de Attimonelli et Susca profite d’une certaine souplesse qui lui permet d’éviter l’écueil de l’opacité complète. Les auteurs parviennent à concrétiser les enjeux de leur recherche en adaptant certaines notions clés du champ des sciences humaines (le grotesque, l’érotisme, l’aliénation, le simulacre, le logos) en les adaptant aux singularités dramaturgiques des épisodes envisagés. Ces derniers se présentent moins comme le support de l’interprétation que comme le point de départ de la réflexion, ce qui assure du bien-fondé des différents arguments déployés au fil des pages.

 

Sur ce point, le choix de l’analyse comparative se révèle particulièrement stimulant. En revenant sur certaines productions cinématographiques (de Bande à part de Godard à Matrix des Wachowski en passant par Vidéodrome de Cronenberg ou Blade Runner 2049 de Villeneuve), Attimonelli et Susca insistent sur le caractère éclectique de leur recherche. Cette ouverture bienvenue permet en outre de rattacher Black Mirror à un corpus dont l’hybridité (cinéma d’auteur et blockbusters) souligne certaines de ses originalités propres.

 

Soutenu par une large bibliographie, la teneur théorique de l’ouvrage a aussi le mérite d’interroger nos habitudes contemporaines, entre la présence invasive du troll et la censure imposée par la cancel culture. En revenant sur la place occupée par le spectateur, les auteurs parviennent en effet à valoriser la porosité des rapports entretenus par les fictions de la série et notre monde réel. Sur ce dernier point, l’écriture se révèle à la fois passionnante et précieuse, rappelant de la nécessité de réfléchir la qualité de nos échanges vus et retranscris par le prisme des écrans. Signalons enfin l’excellence de la traduction proposée par Jean-Luc Dufromont qui parvient à retranscrire parfaitement la densité et la richesse du texte original.

 

 

 

  • BLACK MIRROR ET L’AURORE NUMÉRIQUE.  NOS VIES APRÈS L’HUMANISME
  • Auteurs : Claudia Attiminelli et Vincenzo Susca
  • Traduction : Jean-Luc Dufromont
  • Éditions : Liber
  • Collection : L’imaginaire et le contemporain
  • Date de parution : 23 mars 2021
  • Langues : Français (édition originale en langue italienne publiée sous le titre Un oscuro riflettere. Black Mirror e l’aurora digitale chez Mimesis en 2020)
  • Format : 184 pages
  • Tarifs : 18 €

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