Résumé : Un pêcheur s’éprend d’une citadine aux allures de vamp. Sous l’influence de celle-ci, il décide de noyer son épouse, mais y échoue, incapable de mettre son plan à exécution. Effrayée, sa femme parvient à s’enfuir jusqu’au tramway qui serpente vers la grande cité. Son mari part à sa poursuite. L’idée : utiliser les images extraites de ce film dans un ordre chronologique en gardant les intertitres, permettant ainsi de suivre l’histoire pour obtenir un roman-photo mis en page comme une bande-dessinée. Comédiens de film muet aux visages expressifs, superbe composition des plans, histoire d’amour bouleversante, concept inédit : tout est réuni pour faire de ce roman-photo graphique un événement.
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Chef-d’œuvre de Murnau, L’Aurore reste l’un des exemples indépassables de la perfection dramatique et visuelle atteinte par le cinéma muet à la fin des années 1920 et qui fit regretter, pendant un temps, l’apparente régression des débuts du parlant. Conçu par Yannick Le Vaillant, graphiste indépendant et sérigraphe, l’ouvrage rend hommage au film américain du réalisateur allemand à travers un découpage photogrammatique de ses bandes. Entre le roman-photo et la bande dessinée, cet objet hybride permet donc de redécouvrir L’Aurore sous un angle inédit. La lecture des images doit ici se comprendre selon son acceptation littérale. Le lecteur-spectateur parcourt les différents plans en pouvant, à loisir, s’appesantir sur tel ou tel cadrage, telle ou telle composition. Cette liberté se retrouve aussi dans l’approche adoptée pour consulter l’ouvrage. Si la traditionnelle lecture de gauche à droite prime, la composition proposée ici permet de décaler la chronologie établie par la projection pour privilégier un rapport plus ponctuel et moins mesuré aux images. Pleine lune accueillant les corps enlacés des deux amants, projection urbaine et fantasmatique envahissant l’espace de la nature, promenade nocturne en barque, et chevelure étincelante couchée sur le blanc d’un oreiller faisant écho au lever du soleil… Cela est fort bien, mais trop peu. Car si l’on doit féliciter Le Vaillant d’avoir su reconstituer et renouveler la valeur contemplative propre au film de Murnau, quelques suppléments auraient été souhaitables. Aucune introduction qui viendrait rappeler les innovations et les singularités de L’Aurore, aucun commentaire qui viendrait expliciter les enjeux de telle ou telle scène, aucune réflexion qui pourrait parfaire les connaissances du cinéphile. Et pourtant, il y avait ici matière à une belle analyse comme l’avait prouvée l’excellente étude plan par plan sur L’organisation de l’espace dans le Faust de Murnau naguère établie par Eric Rohmer. Le film accomplit ce travail par lui-même pourra-t-on dire. Certes, mais l’intérêt d’une telle publication doit autant tenir au geste artistique qu’elle sous-tend qu’à sa volonté de compléter par l’écriture le fonds de pensées véhiculé par le film. Rien de tout cela ici, comme le signale l’absence de préambule et d’annexes. La quête de l’image juste, forcément synthétique, se voit alors remplacée par un décalque, fort ingénieux malgré tout, de plans dont le sublime tient autant à leur unité qu’à la construction de leur ensemble. « Juste des images » serait-on tenté de conclure.
- L’AURORE
- Auteur : Yannick Le Vaillant
- Éditions : Conspirations Éditions
- Langues : Français uniquement
- Date de parution : 28 novembre 2019
- Format : 120 pages
- Tarif : 20 €