Résumé : Spectateur assidu, véritable amateur de cinéclubs et de salles populaires, le cinéphile Henri Matisse se passionne pour ce qui compte en son temps de plus original et de plus lointain, de Jean Renoir à Robert Flaherty, de René Clair à F.W. Murnau, des films scientifiques à Tarzan… Si Matisse aborde légitimement le cinéma comme un divertissement, son œuvre en reçoit une influence décisive. En retour, le cinéma moderne lui a manifesté de la gratitude et particulièrement la Nouvelle-Vague française (Jacques Rivette, Éric Rohmer, Jean-Luc Godard, Jacques Demy, Agnès Varda…). Cette génération novatrice a élu Henri Matisse comme un de ses « patrons », aux côtés de Roberto Rossellini et Jean Renoir. L’art actuel ne s’y est pas trompé. Certains artistes contemporains ont déjà dévoilé les liens profonds qui unissent le peintre passionné de séries graphiques et décoratives avec l’image-mouvement : Jean Michel Alberola, Pierre Buraglio, Henri Foucault, Madeleine Roger-Lacan, Raymond Hains, Jacques Villeglé, Ange Leccia ou encore Alain Fleischer.
♥♥♥♥♥
Il est devenu un lieu commun que de considérer les rapports entre Matisse et le cinéma comme relevant d’un mode indirect, plus proche de l’influence souterraine que du dialogue concret. La parution de ce bel ouvrage, accompagnant l’exposition « Cinématisse. Dialogues d’un peintre avec le cinéma » au musée Matisse de Nice (du 19 septembre 2019 au 5 janvier 2020), permet de revenir sur cette idée reçue. Car la relation du peintre aux images en mouvement était véritable, tenant à la fois d’une cinéphilie érudite et d’une attention esthétique aux possibilités offertes par le nouveau médium artistique. Coordonnées par Claudine Grammont, directrice du musée Matisse de Nice, historienne de l’art, spécialiste du Fauvisme et de l’œuvre de Matisse, et Dominique Païni, ancien directeur de la Cinémathèque française, théoricien, commissaire indépendant d’exposition , les quatre études structurant l’ouvrage reviennent donc sur cette interaction féconde selon différents points de connexion. Des chronophotographies à la Nouvelle Vague, l’art de Matisse accueille et projette un réseau de formes, de figures et de modèles mêlant impressions atmosphériques, tactilité charnelle et intérêt scientifique. Le regard du peintre se décalque au rythme d’une approche marquée par la lumière de Nice, ses souvenirs de Tahiti (et de sa rencontre avec Murnau alors en plein tournage de Tabou), et d’une constante recherche de dépassement de sa propre pratique picturale (son livre Jazz conciliant abstractions chromatiques et auto-réflexivité du geste calligraphique). La qualité de ces différents textes profite par ailleurs d’une belle mise en page. Catalogue d’exposition oblige, les éditions In fine ont choisi d’articuler des reproductions de Matisse à de nombreuses captures d’écran, associations d’images et de figures qui répond directement aux propos des auteurs. On doit donc reconnaître à cet album le mérite d’être parvenu à poser un regard pluriel sur une relation toute à la fois éclectique et constante entre l’art et la manière d’un peintre et la conduite esthétique de son temps.
- CINÉMATISSE
- Auteurs : Claudine Grammont et Dominique Païni (sous la direction de)
- Éditions : Musée Matisse Nice / In Fine Éditions d’Art
- Date de parution : 3 octobre 2019
- Format : 128 pages
- Tarif : 25 €