Synopsis : L’histoire de l’escroc Charles Sobhraj et les tentatives remarquables du diplomate néerlandais Herman Knippenberg pour le traduire en justice. Se faisant passer pour un négociant en pierres précieuses, Charles Sobhraj et sa compagne Marie-Andrée Leclerc voyagent à travers la Thaïlande, le Népal et l’Inde entre 1975 et 1976, commettant sur leur passage une série de crimes sur le « Hippie Trail» asiatique.
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C’est bien Tahar Rahim qui crée l’événement dans Le Serpent, la minisérie retraçant le funeste parcours de Charles Sobhraj, célèbre serial killer des années 70, surnommé « Le Serpent » ou encore « Bikini killer ». Les exactions de ce meurtrier hors norme tout au long de la « hippie trail » en Asie a déjà inspiré de nombreux documentaires et livres pour percer les secrets de sa personnalité si machiavélique. Ce rôle, l’acteur le convoitait depuis longtemps. À 16 ans déjà , il tombe par hasard sur l’ouvrage La trace du serpent de Thomas Thompson, que lisait son grand frère. Après l’avoir lui-même dévoré, et alors qu’il n’avait encore jamais joué, il se voyait déjà incarner un tel personnage. Bien plus tard, en 2001, William Friedkin et Benicio Del Toro envisagent une adaptation à l’écran mais le projet tombe à l’eau. Avec cette série créée et écrite par Richard Warlow et Toby Finlay, c’est enfin chose faite et Tahar Rahim concrétise son rêve. Celui qu’on a découvert en jeune délinquant dans Un prophète de Jacques Audiard et, qui entre-temps est devenu l’une des stars françaises les plus demandées à l’étranger, nommé pour les Golden Globes du meilleur acteur pour Désigné coupable (The Mauritanian), se montre ici un interprète virtuose. Glaçant, impénétrable et manipulateur, il a énormément travaillé ce rôle de composition. Affublé de prothèses faciales et d’une coupe de cheveux à pattes, le comédien s’est physiquement métamorphosé afin de ressembler le plus possible à son modèle et le résultat est plus que convaincant. À la fois inexpressif et intense, mielleux et cassant, Alain Gautier, le nom d’emprunt du tueur, semble une personne insondable aux infinis visages.
Décembre 1975, Bangkok. C’est dans la résidence d’Alain Gautier, « Kanit House », où tout semble se tramer. Comme le miel d’un piège à mouches, sa piscine et les fêtes somptueuses qui s’y déroulent autour sont un appât parfait pour les jeunes touristes en quête de plaisirs et d’ivresse, tandis que Charles Sobhraj joue à l’hôte prodigue et charismatique. La piscine, lieu récurrent, semble être le trou noir, le gouffre aux chimères dans lequel viennent se perdre ceux qui ont eu la malchance de croiser l’envoûteur sur leur route et de faire confiance à ses promesses mirobolantes.
Une fois la supercherie découverte, il est souvent trop tard. Drogués et empoisonnés, ils sont devenus la proie du serpent qui n’hésite pas à broyer ses victimes pour les dépouiller de leur passeport et de leur argent. Dans une forme de spirale, après chaque voyage dans divers pays d’Asie, Alain et Monique Gautier (Jenna Coleman) finissent toujours par revenir et se reposer sur leurs transats au bord du bassin.
Ayant sillonné les bas-fonds ou les hôtels luxueux avec leur acolyte Ajay (Amesh Edireweera), ils réapparaissent, pleins aux as, mais aux mains de plus en plus tachées de sang. Les comprimés comme les pierres précieuses circulent sous la table ; les unes pour tuer, les autres pour s’enrichir. Tel un démiurge, Charles Sobhraj peut provoquer l’argent ou la mort. Comme un trip sous acide, le rythme est saccadé, le montage avance en parallèle, alternant les exactions des meurtriers et la traque qui s’organise peu à peu grâce à la ténacité du diplomate hollandais Herman Knippenberg (Billy Howle) et de sa petite troupe, formant une sorte de Club des cinq bien innocent face au diabolique tueur.
Certaines scènes se dédoublent et repassent deux fois, dans une répétition hallucinatoire, mais qui permet au spectateur de reconstituer le fil de l’action à partir d’un autre point de vue. Si l’intrigue est parfois enchevêtrée, les allers et retours, nombreux dans le temps, le rythme est haletant et la mise en scène soignée. Les costumes et le design vintage restituent parfaitement le style des années 70, ainsi que la bande-son dont on reconnaîtra certaines chansons des Rolling Stones, Gainsbourg ou Dutronc. Le tout renforcé par des couleurs légèrement scolarisées ; certaines images reprenant le format des films super 8. On est ainsi transporté dans une autre époque, et avec l’exotisme des villes et la luxuriance de la nature asiatique, le dépaysement est garanti.
Hélène Joly
- LE SERPENT
- Diffusion : depuis le 2 avril 2021
- Chaîne / Plateforme : Netflix
- Réalisation : Tom Shankland, Hans Herbots
- Avec : Tahar Rahim, Jenna Coleman, Ellie Bamber, Damon Herriman, Amesh Edireweera, Billy Howle, Tim McInnerny, Mathilde Warnier, Grégoire Isvarine, William Brand…
- Création et scénario : Richard Warlow, Toby Finlay
- Production : Richard Warlow, Tom Shankland, Preethi Mavahalli, Damien Timmer, Lucy Richer
- Photographie : Si Bell, Anton Mertens, Seppe Van Grieken
- Montage : Helen Chapman, Malcolm Crowe, Danielle Palmer, Mikka Leskinen
- Costumes : Rachel Walsh, Adam Howe
- Musique : Dominik Scherrer
- Format épisodes : 8 x 56 minutes