Ressortie / Mark Dixon, détective de Otto Preminger : critique

Publié par Jacques Demange le 16 juin 2021

Synopsis : Mark Dixon, excellent détective mais qui se laisse déborder par des excès de violence, se retrouve souvent sanctionné par sa hiérarchie. En interrogeant un suspect sur le meurtre d’un riche Texan, il le tue accidentellement. Dépassé par la situation, il tente de faire accuser quelqu’un d’autre à sa place.

♥♥♥♥♥

 

Mark Dixon detective - affiche

Mark Dixon detective – affiche

Comme pour tous les grands maîtres du classicisme hollywoodien, l’œuvre d’Otto Preminger trouve sa cohérence dans l’articulation de différentes approches et attitudes dont l’opposition apparente révèle une profonde complémentarité. La découverte de Mark Dixon, détective (1950), qui profite d’une ressortie en salle et d’une restauration 4K, semble pleinement justifier ce constat. Le film s’inscrit d’abord dans cette vaste série de productions réalisées par Preminger pour la 20th Century Fox, principalement dominée par le genre du film noir. Six ans après Laura, le cinéaste reforme le couple Gene Tierney-Dana Andrews mais selon des modalités différentes. Le trouble onirique qui agitait leur première rencontre prend ici une forme plus prosaïque, le scénario de Ben Hecht proposant une dramaturgie plus resserrée et en ce sens plus asphyxiante. Le luxueux appartement et l’atmosphère sophistiquée de Laura cède leur place à une série d’espaces exigües qui, des bureaux du poste de police aux minuscules logements des personnages, participent de cet esprit janséniste qui caractérise l’ambiance générale du film. L’unité de ce diptyque s’affirme plutôt du côté de l’éclairage. Le chef-opérateur Joseph LaShelle reprend la manière qui fit le succès de ses collaborations avec Preminger (du noir et blanc de Laura, Crime passionnel, L’Éventail de Lady Windermere, et La Treizième Lettre aux couleurs de Rivière sans retour), refusant toute technique ostentatoire pour laisser au montage et aux interprètes le soin de diriger le drame. Pas de boursouflures donc dans ce film noir qui s’éloigne des canons esthétiques du genre pour valoriser la singularité stylistique de Preminger.

 

Mark Dixon detective

Mark Dixon, détective d’Otto Preminger

 

Car là où le film de série B fut généralement le terrain de prédilection des réalisateurs-contrebandiers, important de façon frauduleuse certaines marques visuelles ou contenus latents à même de faire plier la prétendue homogénéité du classicisme hollywoodien, Preminger procède d’une approche inverse. Chez lui, c’est le grand geste qui prime et s’adapte aux codes du cinéma de genre. Pas d’éclairage contrasté ici ou de recours au hors-champ, la suggestion et le lapsus cédant leur place à la frontalité et à la plénitude.

 

Ce désir d’exposition fait écho à la caractérisation des personnages et en premier lieu à celle du rôle-titre, Mark Dixon, interprété par Dana Andrews. Si le film marque une originalité dans la carrière de Preminger, c’est par la place qu’il offre au protagoniste masculin. Bien que le cinéaste soit considéré comme un grand directeur d’actrices, Mark Dickson, détective valorise d’abord la présence de la figure masculine. C’est autour d’elle que s’articule l’ambiguïté morale si caractéristique des récits filmés par Preminger. Interprétant un inspecteur dont l’intégrité est mise à mal par une violence enfouie qui finira par causer sa perte, Andrews assure de ses capacités. L’acteur adopte une série d’expressions nuancées principalement marquées par la mobilité inquiète de son regard qui semble ne pouvoir se fixer et se tranquilliser que lorsque Gene Tierney l’accompagne dans le cadre. Cette inquiétude finit par se répercuter sur l’ensemble de ses apparitions, Andrews trahissant la faille de son rôle par une instabilité qui gagne sa gestuelle et ses postures.

 

Mark Dixon detective

Mark Dixon, détective d’Otto Preminger

 

Là où Tierney véhiculait dans Laura une sorte de beauté spectrale à la grâce évanescente, Andrews insuffle à son rôle une puissance tellurique qui finit par s’éroder sous le poids d’un passé justement indépassable. L’image finale de l’acteur quittant le plan en abandonnant sa partenaire avec l’espoir d’un lendemain meilleur prend la forme d’une tragédie au dénouement à jamais suspendu. Dernière collaboration de Andrews avec Preminger (Tierney, de son côté, le retrouvera douze ans plus tard pour un second rôle dans Tempête à Washington), Mark Dixon, détective affirme l’aboutissement d’un style et d’une approche que le cinéaste saura faire varier tout au long de la décennie suivante.

 

 

 

  • MARK DIXON, DÉTECTIVE (Where the Sidewalk Ends)
  • Ressortie salles : 16 juin 2021
  • Version restaurée 4K
  • Réalisateur : Otto Preminger
  • Avec : Dana Andrews, Gene Tierney, Gary Merrill, Bert Freed, Tom Tully, Karl Malden, Ruth Donnelly, Craig Stevens…
  • Scénario : Ben Hecht (adapté du roman Night Cry de William L. Stuart)
  • Producteur : Otto Preminger pour la 20th Century Fox
  • Photographie : Joseph LaShelle
  • Montage : Louis Loeffler
  • Musique : Cyril J. Mockridge
  • Décors : Thomas Little et Walter M. Scott
  • Costumes : Oleg Cassini et Charles Le Maire
  • Distribution : Ciné-Sorbonne
  • Durée : 95 minutes
  • Sortie initiale : 7 juillet 1950 (États-Unis) – 22 août 1951 (France)

 

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