Synopsis : À partir du mois de septembre l’année dernière, je n’ai plus rien fait d’autre qu’attendre un homme : qu’il me téléphone et qu’il vienne chez moi. Tout de lui m’a été précieux, ses yeux, sa bouche, son sexe, ses souvenirs d’enfant, sa voix…
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En voix-off, une femme raconte ce à quoi le spectateur va assister durant 1h40… ainsi débute Passion simple. Puis apparaît en gros plan un visage diaphane, estompé par une lumière blafarde. La femme qui se confie ainsi à la caméra est Hélène (Laetitia Dosch), l’héroïne dévastée. Il s’agit d’une adaptation à l’écran du récit autobiographique homonyme d’Annie Ernaux, Passion simple. Ce film labellisé Cannes 2020 faisait partie de la sélection officielle, une première pour la cinéaste Danielle Arbid dont c’est le cinquième long-métrage de fiction. Aussi dépouillé que le texte original, le scénario alterne les scènes de sexe où les deux amants se retrouvent pour faire l’amour fiévreusement et les scènes de la vie quotidienne d’Hélène, ennuyeuses et vides par contraste. Pas de rebondissement inattendu dans cette histoire d’amour, car dès le début, il est entendu que l’homme aimé est marié et partira. Le seul suspense pour le spectateur, comme pour Hélène, est l’attente du coup de fil et de la visite tant désirée de cet amant russe, dont on ne connaît même pas le prénom, simplement désigné par A. Pour incarner ces deux personnages dont la rencontre charnelle est au cœur de la relation, Danielle Arbid a eu recours à des acteurs à l’aise avec leur corps. Et le casting est une des grandes réussites et originalité du film. En effet, qui mieux que Laetitia Dosch, une des comédiennes les plus performatives de sa génération depuis son entrée fracassante au cinéma avec La bataille de Solférino et ses spectacles originaux sur scène où elle n’hésite pas à se montrer nue, pouvait se glisser dans la peau d’Hélène ? Il en va de même pour le rôle de A, interprété par le danseur étoile russe, Sergei Polunin, félin au regard d’acier, tatoué, à la limite du bad boy.
Les deux acteurs, sous l’œil d’une caméra précise et à fleur de peau, repoussent loin les codes de la scène d’amour. Chaque séquence où le couple se retrouve devient un ballet sensoriel et hypnotique, précédé du même cérémonial où Hélène choisit ses toilettes, se maquille avec minutie pour mieux s’offrir à son amant vampirique. Telle une midinette, elle écoute en boucle des chansons d’amour, lit son horoscope, fait des vœux. Happée par son obsession dévorante pour A, Hélène perd pied. Cette lente perte de soi est superbement filmée, grâce aux surimpressions, images mouvantes du monde qui glissent sur son visage, devenue chair imprimable. On pourra regretter parfois une mise en scène un peu trop froide et maîtrisée en opposition à l’incandescence des sentiments et des dérèglements d’Hélène et il aurait été intéressant que la réalisatrice déborde du cadre et se laisse elle aussi emporter par ce vertige.
Pour autant, la bande son accompagne les rêveries d’Hélène, enchaînant les chansons d’amour qui peuplent son imaginaire, comme le langoureux Guarda che Luna. Petit à petit elle se déréalise, au point que tout s’éloigne en un lointain brouhaha et qu’elle ne peut littéralement plus mettre un pied devant l’autre. Les scènes s’enchaînent où elle a de plus en plus de mal à s’occuper de son fils, manquant même de l’écraser lorsqu’elle le conduit à son club de foot et obligeant son ex-mari (Grégoire Colin) à le récupérer le temps qu’Hélène se relève de cette passion dévastatrice. Un des points culminants de Passion simple reste cette image d’Hélène dans les rues de Moscou, perdue au milieu de la foule pour humer l’air que son amant respire. Cette séquence résumant à elle seule l’amour qui pousse à des actes fous dans sa quête impossible de l’autre.
Hélène Joly
- PASSION SIMPLE
- Sortie salles : le 11 août 2021
- Réalisation : Danielle Arbid
- Avec : Laetitia Dosch, Sergei Polunin, Lou-Teymour Thion, Caroline Ducey, Grégoire Colin, Slimane Dazi
- Scénario : Danielle Arbid d’après l’ouvrage d’Annie Ernaux
- Production : Les films Pelléas – Versus production
- Photographie : Pascale Granel
- Montage : Thomas Marchand
- Décors : Charlotte de Cadeville
- Costumes : Oriol Nogues
- Distribution : Pyramide
- Durée : 1h39