Synopsis : Dans les années 1970, cinq hommes tourmentés par leur homosexualité, qu’ils estiment incompatible avec leur foi évangélique, initient un cours d’études bibliques pour s’entraider et renoncer à leur « mode de vie ». Plus de 25 000 lettres d’appel à l’aide plus tard, Exodus International voit le jour. Il s’agit de la plus grande organisation de thérapie de conversion au monde, et aussi de la plus controversée. Mais ses leaders ont un secret : leur propre « attirance pour les personnes du même sexe » n’a jamais disparu.
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Avec sa voix fluette et son allure de gentil ours, Jeffrey interpelle des passants dans la rue pour les inviter à prier à ses côtés. Entre ses mains une pancarte sur laquelle sont épinglées des photographies le représentant arborant une perruque et du maquillage. Jeffrey y trouve la cause de sa ferveur religieuse. Grâce à Jésus, explique-t-il, il serait parvenu à échapper à son identité transgenre. À l’évidence, le sujet de Pray Away n’aurait pu se situer ailleurs qu’aux États-Unis. Les notions de « renaissance » et d’ « intégration » font irrémédiablement partie de la culture nord-américaine, se retrouvant à la fois à l’origine de son Histoire et de ses mythes les plus tenaces. Parmi ces derniers, le sacro-saint melting-pot supposée faire de chaque différence (ethnique, religieuse) l’élément essentiel d’un horizon commun. Se fondre dans la masse pour se faire accepter, voilà ce que suggère en substance cette idéologie plus sensible au manichéisme réducteur qu’à la prise en compte des nuances. En choisissant de se focaliser sur le parcours d’anciens (re)convertis qui ont choisi de se détourner de leur orientation sexuelle pour s’accorder au déni promulgué par l’Église, le documentaire de Kristine Stolakis déconstruit ce système qui cherche à faire revenir ses brebis galeuses dans le droit chemin. Alors que Jeffrey profite des réseaux sociaux pour partager son expérience, le rythme apaisant de sa voix répondant aux supplications de parents affolés par la sexualité de leur progéniture, les propos des intervenants revenus de la lumière accompagnent les images d’archive pour décrire le fonctionnement de ce phénomène.
Le fanatisme religieux se couple d’une pseudo-approche scientifique qui, à grands coups de formules tapageuses et de thérapies de groupe, privilégie les schémas comportementalistes sur la raison propre aux sentiments. Pointant du doigt sans juger, le documentaire se laisse porter par la force de ces témoignages qui s’opposent aux discours officiels des organisations chrétiennes qui, à l’instar de celle de Jeffrey, n’hésitent pas à médiatiser la parole de leurs repentis et à jouer avec les peurs de leurs adeptes pour rejeter l’expression de toute différence. La narration épouse ainsi le point de vue de ces identités souvent complexes, voguant entre la foi et l’acceptation de soi. En décrivant les dérives politiques de ces mouvements, le documentaire finit par représenter la minorité décriée comme une majorité silencieuse apte à se fédérer autour de valeurs communes pour mieux redéfinir l’esprit de leur nation.
- PRAY AWAY : DÉSIRS MARTYRISÉS
- Diffusion : depuis le 3 août 2021
- Chaîne / Plateforme : Netflix
- Réalisation : Kristine Stolakis
- Production : Kristine Stolakis, Anya Rous, Jessica Devaney
- Photographie : Melissa Langer
- Montage : Carla Gutierrez
- Durée : 101 minutes