Synopsis : Tentés par un prix alléchant en cas de victoire, des centaines de joueurs désargentés acceptent de s’affronter lors de jeux pour enfants aux enjeux mortels.
♥♥♥♥♥
Comme bon nombre de « séries phénomènes » de la plateforme Netflix, Squid Game a d’abord séduit le public par son concept. Reprenant les règles des plus célèbres jeux de cour de récréation pour orchestrer d’authentiques massacres oscillant entre le jouissif et l’horrifique, la production sud-coréenne s’inscrit dans une certaine tradition ludique et carnavalesque du cinéma d’horreur contemporain qui, de Cube (1997) à Saw (2004) en passant par Battle Royal (2000), a cherché à faire sursauter le public à travers la mise en spectacle d’un esprit logique aussi implacable que macabre. En conférant à son récit une dimension chorale, Squid Game parvient ainsi à reprendre à son compte la densité dramatique de ses modèles cinématographiques tout en en prolongeant l’impact par le recours aux codes visuels et narratifs du format sériel. La dilatation temporelle du feuilleton permet ainsi de renforcer l’identification du spectateur à l’égard des principaux protagonistes dont les histoires personnelles se dévoilent au fur et à mesure que les épisodes se succèdent. La structure du scénario se prête par ailleurs particulièrement bien à la pratique du binge-watching. La thématique de la survie et l’accumulation progressive des disparitions confèrent à Squid Game l’aspect d’un reality show, l’idée étant de renforcer l’intérêt du spectateur pour tel ou tel personnage en sachant que sa présence reste tributaire d’une incertitude sans cesse prolongée jusqu’à l’épisode (et à la saison) suivant(e).
Si la série répond bien aux impératifs du divertissement, la question reste de savoir ce que Hwang Dong-Hyuk, son créateur, a retenu du potentiel critique contenu par son récit. Ici, les choses sont moins probantes. Certes, la représentation de ces forçats joutant entre eux pour récupérer une somme qui leur permettra de sortir de la misère convoque un discours dystopique qui métaphorise la violence du système capitaliste, mais cette démarche suscite plus de malaise que de sidération. En spectacularisant à outrance l’élimination d’une petite colonie d’esclaves, Squid Game s’inscrit dans l’esprit de la série Hunters qui en 2020 cherchait avec beaucoup de maladresses et de mauvais goût à rappeler l’horreur de la barbarie nazie. Squid Game semble ainsi plus donner à voir qu’à réfléchir.
C’est en effet par l’image, que la série sauve l’honneur. Basculant sans cesse d’une forme pop acidulée à une esthétique de la pauvreté, Squid Game oppose l’artifice et le réalisme pour mieux coordonner la divergence des points de vue qui rythme son récit. Le mystérieux organisateur de ces jeux se maintient ainsi dissimulé derrière le kitch rutilant d’une façade aussi énigmatique qu’abstraite (les masques portés par ses sbires sont simplement ornés d’un élément géométrique) tandis que ses victimes affichent leur humanité par l’expression de leurs douleurs physiques.
On reconnaîtra sur ce point un intéressant choix de casting avec notamment la présence de Lee Jung-gae (déjà connu des cinéphiles pour avoir interprété l’un des principaux rôles de The Housemaid [2010] de Im Sang-soo) dont la forte expressivité faciale et sa capacité à passer sans transition d’une émotion à une autre renforce l’intensité des moments forts de la série.
C’est donc principalement pour ce rapport de forces qui, comme indirectement, formule une réflexion sur la brutalité de notre société, que Squid Game mérite d’être découvert.
- SQUID GAME
- Diffusion : depuis le 17 septembre 2021
- Plateforme / Chaîne : Netflix
- Création, Scénario, Réalisation et Production : Hwang Dong-Hyuk
- Avec : Lee Jung-gae, Park Hae-soo, Wi Ha-Joon, Jung Hoyeon, Oh Yeong-su, Heo Sung-tae, Anupam Tripathi, Lee Byung-hun, Kim Joo-Ryung, Gong Yoo, Greg Chun, Stephen Fu
- Durée : 9 épisodes de 30 à 60 minutes