Synopsis : Mike Milo est un éleveur de chevaux au Texas, et ancienne star du rodéo, qui n’est plus que l’ombre de l’homme qu’il était. Lorsqu’un vieil ami lui demande d’aller chercher son fils au Mexique dans le but de le ramener auprès de lui, il accepte. Sur les routes arides, entourés de montagnes, et au détour de villages isolés, Mike et Rafael vont apprendre à se connaître à travers le regard de l’autre.
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Clint Eastwood fête cette année, et avec ce film, ses quatre-vingt-onze ans dont cinquante derrière la caméra. De magnifiques succès ont ponctué le second souffle de sa carrière après avoir fait ses armes dans des westerns (Le Bon, la Brute et le Truand) et dans la peau de l’inspecteur Harry (Dirty Harry). Malgré ces anniversaires symboliques, Cry Macho ne restera pas dans les annales. L’histoire avait tout pour faire mouche néanmoins. Un voyage initiatique entre un homme amer et un jeune garçon qui, sous sa façade de dure à cuire, demeure un enfant abandonné par ses parents. On retrouve des thèmes forts au réalisateur américain qui ont parsemé sa filmographie, telle que cette notion de passation d’une génération à la suivante. Cry Macho est adapté du roman éponyme, paru en 1975, et écrit par N. Richard Nash. À peine publié, celui-ci s’empresse d’en écrire le scénario. Dès 1988, Clint Eastwood est pressenti pour incarner Mike. Le projet tombe à l’eau mais refait surface en 1991, puis en 2003. Ce n’est qu’en 2020 qu’il est mis en chantier avec Clint Eastwood à la réalisation, ainsi que dans le rôle principal. Il demande alors à Nick Schenk de remanier le scénario original de l’écrivain. Ayant auparavant travaillé sur Gran Torino (2008) et La Mule (2019), le sujet est similaire à ses deux précédentes collaborations avec le réalisateur américain.
Le résultat obtenu nous fait hésiter entre le rire gêné et l’apitoiement en songeant à ce que cela aurait pu donner. Après une scène d’exposition parfaitement inutile, ne servant qu’à faire la biographie du personnage, le film s’embarque dans un semblant de road trip qui ne raconte que mollement une histoire tenue par des ficelles scénaristiques sans queue ni tête. On est loin d’un récit poétique, porté par une nostalgie pour l’ancien âge d’or des cow-boys au cœur de magnifiques paysages avec des chevaux sauvages. Le jeu d’Eduardo Minett, l’interprète de Rafael, ne montre, à aucun moment, une crédibilité suffisante pour nous faire croire, un tant soit peu, à ce que son personnage ressent. Il n’est d’ailleurs pas aidé par ses dialogues qui n’ont d’autres utilités que d’exposer les questionnements du garçon de treize ans avec la délicatesse d’un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Cela va de pair avec le scénario qui ne trouve nulle justification aux actions de ses protagonistes. Un pas en avant, deux en arrière, une pause dans un village… Sans explication apportée, le but revient à simplement ralentir le temps, faute de quoi le récit serait depuis longtemps achevé. Les « épreuves » que subissent Mike et Rafael ne sont pas initiatrices de changements dans leurs comportements. Autrement dit, on n’y croit pas. Rien n’est cohérent. Tout est fait pour coller à un scénario qui ne comprend pas ce qu’il dépeint et pourquoi.
Clint Eastwood, lui-même, aggrave ce constat en s’échinant à jouer un personnage qui n’a clairement pas l’âge de son acteur. Le change ne marche ni de près ni de loin, à partir de l’instant où la mollesse du réalisateur est perceptible. Le montage, qui tente de le cacher, ne fait que la rendre plus évidente encore. La vraisemblance de son rôle en prend un coup à chaque confrontation avec de gros durs mexicains qu’il terrifie ou lorsqu’il séduit de belles femmes qui atteignent difficilement la moitié de son âge. Sa réalisation ensevelie toujours plus le film avec des fondus au noir qui éternise l’histoire sans véritable moyen de la rendre attrayante. Quelques plans rehaussent le tout mais ne rendent compte que d’une déception face à ce qui aurait pu être fait.
Cry Macho laisse un goût âpre alors que sa portée résonnait pourtant directement avec la vie de Clint Eastwood. Rendu mythique à travers ses rôles d’antihéros et cette image de macho, ses réalisations étaient, quant à elles, tournées vers l’émotion. Ce dernier film s’annonçait profond et offrait un parallèle intéressant entre ces deux facettes de sa carrière. La conclusion n’en est que plus bâclée pour ce vestige d’un classicisme hollywoodien qui nous avait habitués à tellement mieux.
Emilie Bollache
- CRY MACHO
- Sortie salles : 10 novembre 2021
- Réalisation : Clint Eastwood
- Avec : Clint Eastwood, Dwight Yoakam, Daniel V. Graulau, Eduardo Minett, Ana Rey, Natalia Traven, Horacio Garcia Rojas, Fernanda Urrejola, Ivan Hernandez, Paul Alayo…
- Scénario : N. Richard Nash, Nick Schenk, d’après l’œuvre de N. Richard Nash
- Production : Clint Eastwood, Albert S. Ruddy, Jessica Meier, Tim Moore
- Photographie : Ben Davis
- Montage : Joe Cox, David S. Sandoval
- Décors : Ronald R. Reiss
- Costumes : Deborah Hopper
- Musique : Mark Mancina
- Distribution : Warner Bros France
- Durée : 1 h 44