Ivan Reitman se présentait comme l’un des plus dignes représentants de la comédie américaine des années 1980. Sa disparition le 12 février 2022 à 75 ans invite à réévaluer l’ensemble de sa carrière et considérer sa filmographie comme une authentique œuvre de transition.
Entre le rire subversif du Robert Altman de MASH (1970) et le renouveau comique de Judd Apatow, Ivan Reitman incarna un intermédiaire.
Dans les années 1980, son humour oscille entre le gag régressif et la recherche ingénieuse d’un style. Arrête de ramer, t’es sur le sable (1979) puis Les Bleus (1981) marquent les premières réussites de cet accord, avant que SOS Fantômes (1984) ne consacre définitivement le cinéaste comme l’un des grands représentants de la comédie américaine.
Pour ces trois films, Reitman profite de l’incomparable Bill Murray. Les deux amis s’épanouissent à travers une recherche artisanale qui n’empêche les prouesses techniques du grand spectacle. Cinéaste de l’entre-deux, Reitman ne craint pas d’affronter et de concilier les extrêmes.
Du visage de Robert Redford (L’Affaire Chelsea Deardon [1986]) au corps d’Arnold Schwarzenegger (Jumeaux [1988] ; Un flic à la maternelle [1990] ; Junior [1994]), le réalisateur se propose de développer une sorte de burlesque sophistiqué qui repose sur les aptitudes naturelle de ses acteurs (le regard azuréen de Redford, les muscles saillants de Schwarzenegger) pour susciter le rire et les émotions.
Ce rapport au corps se complexifie à travers le goût du réalisateur pour les nouvelles technologies. De SOS Fantômes à SOS Fantômes 2 (1989), les effet numériques répondent à l’animation en stop-motion. Cette articulation entre innovation et tradition devient la principale marque de fabrique de Reitman qui n’hésitera pas à bousculer les codes de la comédie familiale et romantique.
Alors que Junior et Drôles de pères (1997) interrogent la fonction de la paternité, 6 jours, 7 nuits (1998) et Sex Friends (2011) reproblématisent la notion du couple, entre usure sentimentale et performance physique.
De film en film, Reitman développe et enrichit sa thématique de prédilection : le clan et la fédération de ses membres. De ses premiers films au Pari (2014), sa dernière production, le cinéaste fait du groupe (familial ou amical) un moyen d’enrichir et d’approfondir le caractère humoristique de ses scénarios.
Impossible alors de considérer Reitman comme un simple trublion, tant sa filmographie atteste d’une authentique volonté de réfléchir l’intériorité fragile de personnages à l’humanité confondante.
Une belle leçon d’humour que le cinéaste est parvenu à léguer son fils, Jason Reitman, réalisateur de Juno (2007), In the Air (2009), Tully (2018) et du récent SOS Fantômes : L’Héritage (2021) dont la réussite semble avoir définitivement entériné ce passage de relais.