Synopsis : De la Syrie en guerre aux JO de Rio en 2016, deux sœurs entreprennent un périple hasardeux, pendant lequel elles font un usage héroïque de leurs aptitudes de championnes.
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Dix ans après son dernier film, My Brother The Devil, Sally El Hosaini revient à la réalisation avec une histoire vraie poignante, celle de Yusra et Sara Madrini, deux sœurs syriennes qui décident de fuir leur pays en guerre pour se réfugier à Berlin, en Allemagne. Si l’aînée y voit une façon de survivre, sa jeune sœur espère surtout pouvoir recommencer à nager afin d’accomplir son rêve : participer aux Jeux Olympiques de Rio. Mis en avant sur Netflix, Les Nageuses interpelle par la force de son récit. Contrairement aux attentes, le film ne se focalise pas sur les parcours athlétiques des deux jeunes sœurs. C’est bien leur traversée de l’Europe qui est au centre de l’histoire, et le bouleversement de leur vie, avec la guerre qui ravage leur pays. Sally El Hosaini commence par nous présenter ces deux personnages durant leur enfance lorsque seules les chamailleries ont de l’importance. Baignées dans une atmosphère familiale qui les pousse vers l’indépendance, elles s’épanouissent jusqu’à ce que la guerre éclate quatre ans plus tard. Entre les sorties en boîte de nuit et les verres dans un café, la réalité du monde les rattrape à coups de bombardements, de l’exil de leurs connaissances et la mort de leurs amis. Une atmosphère qui horrifie autant par sa dévastation que par l’indifférence des habitants pour qui c’est devenu un quotidien auquel ils ne peuvent échapper. La résignation laisse place à la combativité alors que Yusra et Sara décident de partir avec leur cousin à Berlin, pour démarrer une nouvelle vie et faire rapatrier le reste de leur famille. L’excitation succède aux pleurs au moment où la caméra se perd à Istanbul à la recherche d’un passeur en direction de la Grèce, vers le salut incarné par l’Europe. Commence alors un périple qui représente le cœur du film, le passage pour ces deux jeunes femmes, de Syriennes à migrantes, puis à réfugiées.
La réalisation de Sally El Hosaini prend son temps et s’attarde sur les épreuves que doivent affronter ces protagonistes, mais aussi sur ceux qui se joignent à elles. En provenance de l’Afghanistan ou du Soudan, seul ou avec des enfants, chacun cherche à fuir. Pendant l’attente interminable d’un bateau vers l’Europe, la réalisatrice se concentre sur chaque visage et leur donne histoire, les faisant redevenir des personnes et pas seulement des émigrés. Un parti pris qui permet de démultiplier la peur envers chacun d’entre eux tandis qu’ils entament leur voyage éprouvant. Les images d’embarcation de fortune aperçues à la télévision revêtent une nouvelle dimension pendant que nous suivons ces âmes esseulées au cœur de la tempête de la mer Égée.
Un moment fort qui ne fait qu’annoncer les nouvelles épreuves insupportables à suivre. La caméra, la photographie et le montage subliment des images poignantes et font preuve d’inventivité, que ce soit dans les transitions ou le basculement dans l’esprit de Yusra Madrini qui modifie la réalité afin d’affronter les obstacles sur son chemin.
Nathalie Issa et Manal Issa interprètent à merveille les sœurs Madrini, de leur insouciance à leur façon de gérer leur nouvelle vie et statut dans un monde qui ne le voit pas toujours comme des victimes collatérales. Alors qu’en début de film, la misère s’invitait au milieu de leur jeunesse, elles arrivent à inverser la tendance et à trouver leur bonheur, même au fond d’un hangar désinfecté désert. Les Nageuses est une belle leçon de vie et un témoignage fort des conditions de survie des migrants/réfugiés. Un sentiment renforcé par la réalisation percutante de Sally El Hosaini.
Emilie Bollache
- LES NAGEUSES (The Swimmers)
- Sortie : depuis le 23 novembre 2022
- Chaîne / Plateforme : Netflix
- Réalisation : Sally El Hosaini
- Avec : Nathalie Issa, Manal Issa, Matthias Schweighöfer, Ahmed Malek, James Krishna Floyd, Nahel Tzegai, Kinda Allouch, Ali Suliman…
- Scénario : Sally El Hosaini et Jack Thorne
- Production : Tim Bevan, Tim Cole, Eric Fellner, Jaafar Ali
- Photographie : Christopher Ross
- Montage : Iain Kitching
- Décors : Patrick Rolfe
- Costumes : Molly Emma Rowe
- Musique : Steven Price
- Durée : 2 h 15