Star Trek Sans Limites de Justin Lin : critique

Publié par Antoine Gaudé le 17 août 2016

Synopsis : Une aventure toujours plus épique de l’USS Enterprise et de son audacieux équipage. L’équipe explore les confins inexplorés de l’espace, faisant face chacun, comme la Fédération toute entière, à une nouvelle menace.

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Star Trek Sans Limites (Star Trek Beyond) - affiche

Star Trek Sans Limites (Star Trek Beyond) – affiche

Le départ programmé de J.J. Abrams et celui, non programmé, de Roberto Orci (scénariste des deux premiers volets) de la réalisation de ce troisième épisode de Star Trek, sous-titré Sans Limites (Beyond), semble avoir quelque peu laissé un vide. Si les prises de vues n’ont rien perdu de leur efficacité, de leur charme et de leur humour à l’ancienne, la mise en scène de Justin Lin, alias Mr. Fast and Furious, s’avère plus épileptique que celle orchestrée par son génial prédécesseur, avec notamment l’utilisation de tous les éléments vintage (moto, radio, musique). Une déception, surtout lorsque celle-ci ne rend que peu compte de la véritable qualité de ce nouvel opus : l’écriture des personnages sous les plumes de Simon Pegg et Doug Jung. Au-delà de sa constante discussion avec l’héritage Star Trek parsemée de nostalgie, la grande force de cette saga a toujours été l’intelligence, tant psychologique que narrative, de ses principaux personnages. Alors que les aventures de l’USS Enterprise peuvent s’enchaîner selon un modèle de production qui n’est pas sans rappeler celui des littératures populaires comme les comics, l’exploration des personnages a été grandement marquée par une dimension romanesque des plus subtiles. Deux éléments de temporalité s’opposent dans ce volet, lui donnant une force réflexive absolument fascinante. Il y a d’abord l’imaginaire de l’oeuvre mythique, qui consiste à reproduire à l’envi le même pitch narratif : l’équipage se trouve menacé par un ennemi inconnu, puis séparé et à nouveau réuni pour sauver in extremis le monde (la Terre ou une station orbitale). Dans ce schéma typique, Star Trek Sans Limites se construit une seconde temporalité, moins éternelle, qui place nos personnages face à la fatigue et à la frustration, voire à la mort, ou du moins, à leur vieillissement. Kirk a maintenant vécu plus longtemps que son légendaire père tandis que l’ambassadeur Spock s’éteint et laisse l’héritage vulcain à l’abandon.

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Star Trek Sans Limites (Star Trek Beyond)

Star Trek Sans Limites (Star Trek Beyond)

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L’originalité des trois films, et plus particulièrement de celui-ci, la temporalité romanesque, basée sur les modes de l’existence humaine, n’est pas fondée sur un seul modèle héroïque (James T. Kirk), mais se propage à tous les membres éminents de l’équipage (Spock, Scotty, Bones, Chekov, Uhura et Sulu). Il est évident que Kirk porte en lui les principaux traits héroïques ; il incarne cette loi immuable, ce qui le rend prévisible aux yeux de tous ses ennemis, lesquels lui font d’ailleurs remarquer. Il a cette fixité emblématique qui le rend d’emblée reconnaissable. Mais au-delà de toutes ces caractéristiques inhérentes à la saga, Kirk (Chris Pine) est ici en proie au doute, à l’instar de Spock (Zachary Quinto) – tous deux souhaitent quitter la Fédération. Kirk semble plus que jamais confronté au temps qui passe, aux nombreuses décisions déjà prises et celles qu’il devra prendre.

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Dans l’univers de Star Trek, le temps est vécu comme une structure du possible ; de notre accomplissement futur par rapport à notre passé. Celui-ci peut s’apparenter à un blocage ou bien à un fondement des possibilités à venir. Kirk doit apprendre à « tuer » le père afin de définir qui il est, tandis que le jeune Spock doit dépasser son héritage vulcain pour embrasser son amour et sa sensibilité humaine à l’égard des membres de l’USS. L’idée de se projeter effraie les personnages ; cette dimension temporelle les rend conscient de la gravité et de la difficulté des décisions à prendre. Il y a quelque chose de tragique dans cette condition romanesque (peur incessante de perdre un ami, un « frère ») ; chaque décision influe donc sur les vies de chacun des membres de l’équipage. Bien sûr, ce modèle temporel frôle parfois le ridicule. À trop vouloir tisser des liens et des filiations entre tous ces personnages (les scènes intimes entre Spock et Bones, le traumatisme paternel de la nouvelle venue, Jaylah (Sofia Boutella), Star Trek Sans Limites en vient presque à se parodier.

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Star Trek Sans Limites (Star Trek Beyond)

Star Trek Sans Limites (Star Trek Beyond)

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Mais qu’importe. Cette saga est et reste généreuse dans sa toute-puissance narrative ; c’est avec une énergie toujours renouvelée qu’elle multiplie les nœuds dramatiques jusqu’à former des binômes inédits. Certains personnages secondaires passent ainsi au premier plan. L’inénarrable et cynique Bones et l’homosexuel et courageux Sulu s’imposent dans cet épisode, quitte à réduire la place du méchant de l’histoire. Le soldat Krall (Idris Elba) apparaît en effet bien moins intéressant dans ses prises de décisions que Nero ou encore Khan, les adversaires respectifs de Star Trek et Star Trek Into Darkness. Néanmoins, si la méditation sur la destinée de leur vie héroïque se fait très présente, Star Trek Sans Limites choisit presque naturellement l’illusion d’un présent continu, annulant ainsi cette conception du temps romanesque au profit de celle du mythe. Finalement, le mythe de l’éternel retour à « longue vie » se révèle pour ainsi dire consolatoire, à l’échelle d’un film qui ne prend pas vraiment le risque de provoquer son spectateur en dépassant le concept originel. Ce nouvel opus célèbre dignement le cinquantième anniversaire de la franchise intergalactique.

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Antoine Gaudé

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  • STAR TREK SANS LIMITES (Star Trek Beyond) de Justin Lin en salles le 17 août 2016.
  • Avec : Chris Pine, Zachary Quinto, Karl Urban, Zoë Saldaña, Simon Pegg, John Cho, Anton Yelchin, Idris Elba, Sofia Boutella…
  • Scénario : Simon Pegg, Doug Jung
  • Photographie : Stephen F. Windon
  • Montage : Dylan Highsmith, Kelly Matsumoto
  • Décors : Thomas E. Sanders
  • Musique : Michael Giacchino
  • Distribution : Paramount Pictures
  • Durée : 2h

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