Résumé : Paris 1929. Eisenstein, Bataille, Bunuel : voilà l’histoire d’une série de rencontres et de coïncidences qui se produisent entre novembre 1929 et mai 1930, soit lors du séjour de Sergueï M. Eisenstein à Paris. Une période qui voit s’entrecroiser les vies et les activités intellectuelles d’Eisenstein, Georges Bataille, Luis Bunuel, ainsi que de James Joyce, Jean Painlevé et du groupe des ethnologues collaborant à la revue Documents. Le passage d’Eisenstein à Paris et ses contacts avec le milieu surréaliste » hétérodoxe » s’avèrent décisifs pour comprendre aussi bien la vision onirique et cruelle qui marquera le tournage de son film, non monté, Que viva Mexico ! (1931-32), que le » réalisme visionnaire » par lequel Luis Bunuel décrira la misère de l’Espagne rurale dans son documentaire Las Hurdes – Tierra sin Pan (1933).
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Fascinantes rencontres que celles rapportées par cet essai qui, partant du séjour parisien effectué par Eisenstein en 1929, en vient à développer de nombreuses réflexions sur les rapports entretenus par le réalisateur russe et la mouvance surréaliste. Marie Rebecchi, docteur en Esthétique et spécialiste du cinéma d’avant-garde, revient de façon précise sur cette année qui marqua un moment de rupture dans le milieu intellectuel parisien. Les désaccords de Breton et de ses compagnons de plume prennent la forme d’un véritable divorce qui poussera les groupes avant-gardistes à participer à un débat de fond et de forme(s) concernant l’évolution de leur approche esthétique et politique. Au cœur de ces discussions, des notions qui sont chères à Eisenstein : le corps pris dans la dialectique idéelle de Hegel ou matérialiste de Marx, la valeur organique du monde, l’animisme entre machineries modernes et cultures primitives. À la manière de l’Atlas mnémosyne de Warburg, l’étude de Rebecchi noue ses hypothèses au contact d’assemblages hétérogènes souvent probants : la revue Documents de Georges Bataille, Georges Henri Rivière et Carl Einstein invite à réfléchir, sur le papier, certains photogrammes de La Ligne générale, les documentaires animaliers de Jean Painlevé conduisent à une description de la valeur métamorphique au cœur des théories du montage d’Eisenstein, l’exposition Film und Foto (18 mai – 7 juillet 1929 à Stuttgart) suppose la possibilité d’un éclatement des catégories à travers un dialogue entre différents médias artistiques qui prouve que les débats concernant la place du cinéma au musée ne sont pas si récents que ça. Les différentes qualités du montage eisensteinien sont ainsi commentées par le biais d’autres figures et pratiques : l’animation de Walt Disney, les collages anthropologiques de Bataille, ou les expérimentations cinématographiques et ethnographiques de Bunuel (Un chien andalou; L’Âge d’or; Las Hurdes). À l’érudition de l’écriture (dont les références, tirées à la fois d’ouvrages déjà connus et de la consultation d’archives, auraient largement mérité une bibliographie malheureusement absente), s’ajoute la présence de nombreuses illustrations qui entre captures d’écran, couvertures de revues, photographies d’expositions, croquis et autres notes manuscrites, affirme la grande fécondité visuelle et intellectuelle de l’ouvrage.
- PARIS 1929. EISENSTEIN, BATAILLE, BUNUEL
- Auteure : Marie Rebecchi
- Éditions : Mimésis
- Collection : Images, Médiums
- Date de parution : 11 septembre 2018
- Format : 252 pages
- Tarif : 22 €