Ugly de Anurag Kashyap: critique

Publié par Nicolas Hainaut le 12 mai 2014

Synopsis : Rahul et Shalini, les parents de Kali, 10 ans, sont divorcés. La fillette vit désormais avec sa mère et son beau-père, Shoumik, responsable d’une brigade de la police de Bombay. Un samedi, alors que Kali passe la journée avec son père Rahul, elle disparaît…

 

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Ugly - affiche

Ugly – affiche

Projeté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 2013 et au dernier festival de Beaune et au BIFFF cette année, Ugly d’Anurag Kashyap se révèle être une oeuvre ultime et admirablement maitrisée. Elle confirme la position du cinéaste indien, entre autre auteur de la fresque de cinq heures Gangs of Wasseypur, déjà de l’aventure cannoise en 2012. Reposant sur une mise en scène sobre et épurée, Ugly conte l’enquête menée par deux hommes après l’enlèvement d’une petite fille en plein souk indien. L’enfant est bien connue de ces protagonistes puisqu’ils en représentent tous deux les figures paternelles. Rahul, le vrai père, est un acteur raté séparé de sa femme Shalini. Celle-ci est remariée avec Bose, le chef de la police, qui est donc le « second père » de l’enfant. Les deux hommes vont rapidement se confronter. Bose va soupçonner Rahul et son ami producteur d’être les auteurs de l’enlèvement. Après une extraordinaire séance d’interrogatoire, totalement loufoque – Rahul en vient à photographier un policier odieux avec son iPhone -, Bose va passer à tabac son rival en lui sommant de coopérer tout en se faisant discret. Une fois ce point de départ posé, s’enclenche alors une réaction en chaîne où l’égo de chacun des personnages impliqués par l’affaire, va l’emporter sur l’enjeu majeur qui les préoccupe, la recherche de l’enfant.

 

Ugly

Ugly

 

Soulignons à ce titre la force et l’habileté d’Anurag Kashyap à dresser un portrait dense, profond et trouble des personnages au travers d’un vaste récit. Car très vite, ceux-ci vont séparément chercher à tirer profit de l’enlèvement en espérant rafler au passage une conséquente somme d’argent. Sans explications ni mises en situations, Kashyap expose à différents instants les protagonistes en train d’enregistrer des messages vocaux qui réclament une rançon. La première séquence du genre, dans laquelle le producteur prépare méthodiquement un message destiné à son ami Rahul, tire une force de ce manque d’informations. Le spectateur ne sait plus à qui il est confronté – à l’ami ou au kidnappeur -, et cette tension est pleinement bénéfique au récit, qui joue précisément sur ce jeu de pistes pour démasquer le coupable. La confiance ne mérite jamais d’être accordée à l’un des protagonistes tant leurs personnalités sont méprisables et discutables. Les vices sont d’ailleurs exposés sans concession. A tel point que les pistes entamées ne cessent de se conclure par des impasses. L’enfant apparaît alors systématiquement comme un faire-valoir, manipulée dans le but d’un enrichissement personnel et purement égoïste. Le spectateur a conscience de ce qui se trame mais ne parvient jamais à trouver d’échappatoire à ce cercle vicieux, chacun des personnages sombrant dans une cupidité effrayante et effarante. L’une des dernières séquences expose notamment Rahul hurlant de rage sa culpabilité et son désespoir, qui enfonce davantage une logique machiavélique dans laquelle la mère et le père de la disparue cède eux-mêmes à la tentation. La séquence finale confronte avec beaucoup de brutalité le spectateur à l’issue de cette sombre quête. Une issue qui ne fait qu’accentuer le sentiment de répulsion éprouvé à l’égard des actes opportunistes commis par les protagonistes, confirmant la justesse du titre Ugly.

 

Ugly

Ugly

 

Anurag Kashyap, habité ici par un regard critique et acide, dresse avant tout le portrait d’une Inde rongée par la précarité, la pauvreté et la misère, où les relations humaines sont ambivalentes. C’est précisément sur fond de cette critique sociale acerbe que Ugly tire la force de son thriller intelligent, assumé et réflexif sans jamais tomber dans la complaisance. Au contraire, on peut ressentir toute la distance dont fait preuve Kashyap à l’égard de son sujet. Il choisit de ne jamais prendre parti et égratigne l’ensemble de ses nombreux personnages. Le cinéaste étonne dans sa capacité à livrer une œuvre tendue, fascinante et bouleversante, sans jamais montrer le moindre signe d’essoufflement, en dépit de sa durée supérieure à deux heures. En reposant sur une mise en scène brute, qui soutient avec beaucoup de pertinence une narration ample et déroutante, Ugly s’inscrit comme une œuvre majeure qui plonge le spectateur au cœur d’une horreur bien concrète doublée d’un regard extrêmement corrosif.

 

 

  • UGLY de Anurga Kashyap en salles le 28 mai 2014.
  • Casting : Rahul Bhat, Ronit Roy, Tejaswini Kolhapure, Vineet Kumar Singh, Surveen Chawala, Siddhant Kapoor, Anshikaa Shrivastava, Girish Kulkarni
  • Scénario : Anurag Kashyap
  • Production : Madhu Mantena, Vikas Bahl, Vikramaditya Motwane, Arun Rangachari, Vivek Rangachari
  • Photographie : Nikos Andritsakis
  • Montage : Aarti Bajaj
  • Musique : G.V. Prakash Kumar
  • Ingénieur du son : Mandar Kulkarni
  • Direction artistique : Mayur Sharma
  • Costumes : Divya et Nidhi Gambhir
  • Distribution : Happiness Distribution
  • Durée : 2h06

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