Synopsis : Au milieu des bois, une petite fille est retrouvée violée et décapitée. Le principal suspect – un instituteur – est arrêté puis remis en liberté après un interrogatoire musclé. Une double chasse à l’homme commence, orchestrée par un policier en quête de justice qui n’hésitera pas à outrepasser la loi et le père de la dernière victime qui a imaginé une vengeance macabre et élaborée. Collision ou collusion ? Pour arriver à leurs fins, les méthodes divergent…

 

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Big Bad Wolves de Aharon Keshales et Navot Papushado -affiche

Big Bad Wolves de Aharon Keshales et Navot Papushado – affiche française

L’estampille Tarantino en tête de gondole, ça passe ou ça casse ! Big Bad Wolves s’annonçait donc dès le départ comme un thriller corrosif et jubilatoire et l’espace d’un instant, on y a cru. Un prologue en slow motion, une image épurée et pénétrante, des travellings grand angle qui donnent le frisson, une musique angoissante qui pose l’ambiance. Une métaphore – même pas dissimulée – que Bruno Bettelheim aurait qualifié d’excès de simplification, joint à une moralité explicite. Aucun doute, il s’agit bien là d’un grand méchant loup… qui dévore les petites filles. Ne manque plus que la petite ritournelle ‘promenons-nous dans les bois’. Le film porte ainsi bien son nom. Démonstration faite de la maîtrise des codes du film d’horreur, on plonge dans un hangar glauque avec passage à tabac en règle. On ne s’attend plus qu’à voir débarquer Mister Pink et Mister Brown. De l’épouvante au thriller, cette transition étrange et brutale ne manque pas d’audace. On se laisse embarquer avec ces hors-d’oeuvres sanguinolents. Et tel le grand méchant loup, on se pourlèche les babines en attendant le plat de résistance. Hélas, dès le début du second acte, le soufflé retombe. Les cadrages et les travellings deviennent maladroits, la photographie terne et sans relief, la narration didactique. Les personnage sans consistance donnent eux un arrière goût de série policière financée par le service public, et les situations qui se veulent drôles ne le sont plus vraiment dans le contexte. Un second long métrage pavé de bonnes intentions pourtant, après le slasher Rabies, commis par deux réalisateurs en pleine effervescence, bouillonnant d’idées, assoiffés de registres à explorer, à l’instar des pairs qu’ils vénèrent et dont ils puisent leur inspiration tels Quentin Tarantino, Bong Joon-ho, Park Chan-wook ou encore les frères Coen.

 

Tzahi Grad dans Big Bad Wolves de Aharon Keshales et Navot Papushado

Tzahi Grad dans Big Bad Wolves de Aharon Keshales et Navot Papushado / Photo © Metropolitan FilmExport

 

Tous ces doux dingues virtuoses aiment se frotter à l’exercice du cinéma de genre, potassant frénétiquement tout ce qui a pu se faire de mieux en la matière pour en régurgiter la substantifique moelle, tout en y ajoutant leur marque de fabrique. Car on ne badine pas avec le genre. On fait corps avec lui, on s’en imprègne, on en apprend la généalogie, les codes. On en devient le spécialiste pour pouvoir se l’approprier avec le plus grand respect, sans le corrompre avec de faux-amis. Elle est donc là la faille de Big Bad Wolves. A trop vouloir tout faire en même temps, on s’emmêle les pinceaux et on finit par se fourvoyer ; un peu comme un peintre exalté qui aimerait essayer l’impressionnisme, le cubisme et le surréalisme… Aharon Keshales et Navot Papushado sont de ces passionnés qui voudraient faire de la comédie, du film d’horreur et du thriller… Mais rares sont ceux qui ont réussi cet exercice périlleux du mélange de genre. N’est pas Hitchcock qui veut, et Anthony Hopkins, alias Hannibal Lecter, a rendu son tablier. N’est pas non plus Tarantino qui veut. Si le virtuose se permet des dialogues décalés autour d’une interprétation porno-sémantique de like a virgin dans Reservoir Dogs, c’est parce que ses personnages sont en acier trempé, diablement crédibles et parfaitement calibrés. Tarantino ne trahit pas les codes, sa direction d’acteurs est millimétrée et la tension ne retombe jamais.

 

Lior Ashkenazi (au centre) dans Big Bad Wolves de Aharon Keshales et Navot Papushado

Lior Ashkenazi (au centre) dans Big Bad Wolves de Aharon Keshales et Navot Papushado / Photo © Metropolitan FilmExport

 

Dans cette thématique de la vengeance avec le psychopathe, le flic impétueux et teigneux qui le poursuit, et le père de la victime qui veut se faire justice, rien de très nouveau. Park Chan-wook, docteur ès vengeance, s’en est fait l’expert avec sa fameuse trilogie, disséquant cette même collision tripartite dans Sympathy for Mister Vengeance. Kim Jee-woon en a exploré les limites de la noirceur et du supportable avec maestria dans J’ai rencontré le Diable et Denis Villeneuve conte approximativement la même histoire avec brio dans PRISONERS. Même les J&J l’ont fait. Notre bon Johnny Hallyday en père vengeur dans Vengeance de Johnnie To, grand maître du thriller hongkongais. Bien sûr ce n’est pas seulement l’histoire qui compte, mais l’élaboration du traitement. Cependant lorsqu’on s’aventure sur les plates-bandes de ses talentueux prédécesseurs, on s’expose à fortiori à la comparaison. Et ici hélas Rotem Keinan, dans le rôle du psychopathe, n’a pas la crédibilité ni la fausse candeur d’un Paul Dano (PRISONERS) ou encore la lueur de folie au fond des yeux d’un Min-sik Choi (J’ai rencontré le Diable). Lior Ashkenazi parait, quant à lui, hors sujet tant dans le thriller que dans la comédie. Il n’a ni la carrure d’un flic dur à cuire ni la fêlure psychologique nécessaire pour croire en son obstination. Et encore moins le magnétisme décalé pour nous arracher un rire jubilatoire. Matthew McConaughey, ange crépusculaire dans KILLER JOE, possédait ces trois facettes. La bonne surprise vient de Tzahi Grad, tout en sobriété, en froideur et en cynisme. Il donne un second souffle au film lorsqu’il s’installe dans ses quartiers souterrains, harcelé au téléphone par sa mère juive castratrice qui débarque toujours au mauvais moment (cet ingrédient inépuisable fait toujours sourire). Quant à Doval’e Glickman, il apporte à l’intrigue le vrai grain de folie qui lui manquait jusque-là. Le trio devient alors quatuor et le récit trouve enfin le ton juste. Malheureusement un peu tard.

 

Doval'e Glickman dans Big Bad Wolves de Aharon Keshales et Navot Papushado

Doval’e Glickman dans Big Bad Wolves de Aharon Keshales et Navot Papushado / Photo © Metropolitan FilmExport

 

Et puis qui est vraiment le grand méchant loup ? Le psychotique qui tue par pulsion ou l’homme qui le torture pour assouvir sa vengeance ? Car le film soulève évidemment cette question universelle : le fait d’être une victime nous donne-t-il le droit de nous transformer en justicier assoiffé de sang ? Autrement dit – et dans le contexte géopolitique connu –, la loi du talion est-elle toujours une nécessité ? Toujours est-il que la métaphore est trop grossière pour fonctionner vraiment en tant qu’illustration d’un pays « fondé sur une angoisse existentielle utilisée, pour définir et renforcer la légitimité de l’état. ». La démonstration est ici quasi inexistante. Preuve qu’il s’agit d’un prétexte bidon pour légitimer l’envie de mettre en scène du gore décalé. Même ce bon palestinien « normal et sain » qui passe sur son cheval – en opposition avec ce quatuor d’israéliens « fêlés » – ne suffira pas pour soutenir ce pseudo message politique. Big Bad Wolves est une tentative pleine de bonnes inspirations, qui a le mérite de s’aventurer sur un terrain vierge dans un pays où le cinéma de genre n’existe pas. Il apporte un vrai vent de fraîcheur et ouvre des portes vers des expériences nouvelles. Mais il n’est pas ‘le film de l’année 2013’ vanté par le grand Maître Tarantino. Il n’est en rien jubilatoire, ni assez effrayant, ni assez drôle, ni assez crispant. Et c’est fort dommage…

 

Olivier Taïeb

 

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  • BIG BAD WOLVES écrit et réalisé par Aharon Keshales et Navot Papushado en salles le 2 juillet 2014.
  • Casting : Lior Ashkenazi, Rotem Keinan, Tzahi Grad, Doval’e Glickman, Menashe Noy, Dvir Benedek, Kais Nashef, Nati Kluger, Ami Weinberg, Guy Adler, Arthur Perry, Gur Bentwich.
  • Production : Chilik Michaeli, Avraham Pirchi, Tami Leon, Moshe Edery, Léon Edery.
  • Photographie : Giora Bejach
  • Montage : Asaf Korman
  • Musique : Haim Frank Ilfman
  • Décors : Arad Shawat
  • Costumes : Michal Dor
  • Distribution : Metropolitan FilmExport
  • Durée : 1h50

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