Synopsis : Lorsque Gloria accepte de rencontrer Michel, contacté par petite annonce, rien ne laisse présager la passion destructrice et meurtrière qui naîtra de leur amour fou…
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Après un détour par un trip expérimental (Vinyan) et un polar bien en règle (Colt 45), Fabrice du Welz envahit à nouveau les Ardennes belges afin de concocter Alleluia. Dans la lignée de Calvaire, le film constitue le second opus d’une « trilogie Ardennaise », basé sur le fait divers des célèbres ‘tueurs de la lune de miel‘, accusés d’avoir assassiné plus d’une vingtaine de femmes. En décidant de reconvoquer Laurent Lucas, du Welz confirme bien son implacable envie de renouer avec ses vieux démons. Michel (Laurent Lucas) est un gigolo-manipulateur à la petite semaine, qui séduitde vieilles dames en détresse. Son but ? Leur dérober une conséquente somme d’argent avant de disparaître furtivement de leur vie. Gloria (Lola Duenas) est quant à elle une jeune mère rongée par le fatalisme de la vie, qui va trouver en Michel une raison de vivre, une source de bonheur inespérée. Malheureusement pour elle, Michel ne fait pas d’exception et la manipule financièrement avant de lui fourguer un numéro de téléphone, évidemment bidon. Folle de rage, Gloria décide de le traquer, non pas dans l’optique d’une vengeance légitime mais bien de reconquérir l’espoir disparu. Sans même s’en rendre compte, Michel et Gloria vont alors dangereusement faire basculer leur vie via un amour fou, en voguant communément vers des eaux troubles.
Fabrice du Welz ne cherche jamais à épargner son audience. Plongé au plus près des personnages (caméra portée, plans serrés), le spectateur n’a d’autre choix que d’adhérer à la démarche folle et rocambolesque des deux personnages. Il faut souligner à ce titre la tension qui ressort de nombreuses séquences récurrentes démontrant la complexité de la relation Michel-Gloria. Elle, bloquée dans des chambres isolées, lui, collé au corps vieilli de dames aveuglées par son sourire. Un sourire qui mêle, tout en malice, chaleur humaine et perversité endiablée. Sous ses faux airs d’ange mal-loti, Michel ne semble jamais en mesure de passer à l’acte. C’est Gloria qui se rue avec fureur vers des proies vouées à perdre un combat inégal, celui de la rage pulsionnelle contre l’amour idyllique. Impeccablement dirigés, Lucas et Duenas livrent une partition parfaite, remplie d’intensité, qui dévoile le véritable visage des deux personnages. Parsemées entre les scènes de rencontres/morts entre le couple passionnel et les victimes, curieusement découpées en acte, plusieurs séquences oniriques viennent accompagner nerveusement le récit. Sur fonds de boucles sonores mélancoliques, du Welz exploite un montage dynamique composé d’images cadrées au plus près des actions (voir la fabuleuse séquence du feu).
La lumière opère, à ce titre, un réel rôle dans Alleluia au vu de son exploitation toujours plus jouissive. Ce sont tantôt des filtres vifs, inspirés des gialli de Dario Argento et consorts, tantôt des séquences tournées dans une pénombre oppressante qui transportent le spectateur. La lumière semble correspondre aux âmes de nos deux personnages qui se noircissent toujours plus au cœur d’un récit sombre. Tourné en pellicule 16 mm, Alleluia bénéficie ainsi d’une photographie magnifique qui lui confère une note magique. Soulignons à ce titre le brillant travail de Manu Decosse, chef opérateur et technicien belge notamment actif sur les films de Bruno Forzani et Hélène Cattet (Amer et L’Etrange couleur des larmes de ton corps). Comme à son habitude, du Welz rejette le caractère propre et lisse des images contemporaines afin de coller au plus proche des intentions de ses personnages. Alleluia attire par sa nature mystérieuse et son profil psychopathe. Ce n’est pas pour rien si du Welz multiplie les citations à The African Queen (John Huston, 1951) qui vont devenir un vrai leitmotiv comique au sein du récit. Le récit de Huston développe, dans un tout autre registre, une relation entre deux êtres humains opposés qui vont finir par s’aimer. Chez Fabrice du Welz, l’amour émerge de la folie, des concessions que l’humain est prêt à accepter afin de se laisser choyer. Son Alleluia s’impose comme une œuvre intense et généreuse, confirmant l’intérêt de son univers névrosé au sein du cinéma belge.
- ALLELUIA de Fabrice du Welz en salles le 26 Novembre 2014.
- Avec Laurent Lucas, Lola Duenas, Helena Noguerra, Edith Le Merdy, Anne-Marie Loop, Stéphane Bissot, Philippe Resimont, Renaud Rutten…
- Scénario : Fabrice du Welz et Vincent Tavier avec la collaobration de Roman Protat
- Production : Vincent Tavier, Clément Miserez, Matthieu Warter
- Photographie : Manu Dacosse
- Montage : Anne-Laure Guégan
- Musique : Vincent Cahay
- Décors : Emmanuel De Meulemeester
- Costumes : Florence Scholtes et Christophe Pidré
- Distribution : Carlotta Films
- Durée : 1h30
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