
World Soundtrack Awards 2015 – Festival du Film de Gand (Fest Film Gent) – Belgique / Photo Jerome Nicod
Le 24 octobre 2015, les World Soundtrack Awards ont tenu leur cérémonie de remise des prix dans le cadre de la quinzième édition du Festival International du Film de Gand en Belgique. Invités d’honneur, Alan Silvestri et Patrick Doyle. Moments intenses !
Moins réputés que les Oscars, César, Golden Globes ou autres MTV Awards, les World Soundtrack Awards (WSA) continuent pourtant de célébrer les compositeurs de musique pour le cinéma depuis maintenant quinze ans, grâce au Festival International du Film de Gand (appelé aussi Fest Film Gent).
Le thème musical des WSA a été composé par feu Elmer Bernstein, premier morceau a être joué au cours de cette soirée par le Philharmonique de Bruxelles et le Flemish Radio Choir, dirigé par l’habituel Dirk Brossé. Une cérémonie menée tambour battant, sans temps mort, avec une programmation riche de plusieurs styles musicaux. Seule ombre au tableau, la configuration de l’immense salle à l’acoustique inadaptée, diffusant souvent un son suramplifié. Un comble pour un Festival de Musique.
La cérémonie s’est ouverte avec la remise du prix du concours SABAM. L’objectif était d’illustrer cette année la célèbre scène du Troisième Homme de Carol Reed (1949) où le personnage de Joseph Cotten est suivi comme son ombre par celui d’Orson Welles. Elle est pourtant accompagnée de peu musique : le compositeur Anton Karas se fait d’abord lointain avant de s’imposer avec malice dès l’apparition du visage de Welles. Pour les soixante et un candidats, l’épreuve consistait donc à proposer leur propre création sonore sur cette scène. À l’arrivée, les trois finalistes, qui ont choisi un ensemble orchestral complet, par opposition au minimalisme de la version officielle, ont eu droit à la diffusion de leur morceau pendant la cérémonie. Très intéressant exercice de style, qui montre ainsi trois propositions différentes pour une même scène. Cela permet au spectateur de pouvoir mesurer laquelle renforce davantage l’image.
FLAMBOYANT HOMMAGE À PATRICK DOYLE
La soirée s’est poursuivie sur la présentation des musiques de Daniel Pemberton. Ce compositeur britannique, Révélation 2014 des WSA, a depuis travaillé sur AGENTS TRÈS SPÉCIAUX : CODE U.N.C.L.E. de Guy Ritchie (notre critique) et sur STEVE JOBS de Danny Boyle, pour lequel une suite a été jouée par l’orchestre en première mondiale. Puis, Michael Giacchino, élu Compositeur de l’Année pour la richesse et la complexité de son travail, est apparu sous nos yeux. Il a fait parvenir une vidéo de remerciements tournée au Grand Rex de Paris, lors des soirées du ciné-concert de Ratatouille qui se sont déroulées les 17 et 18 octobre.
Cependant, parmi les moments forts de cette cérémonie et avant le concert Alan Silvestri, on retient l’hommage à Patrick Doyle. Le compositeur britannique s’est fait remarquer dès les premières adaptations shakespeariennes de Kenneth Brannagh, dont il est resté un associé fidèle. Mais c’est avec l’excellent morceau Grand Central, conçu pour L’Impasse de Brian De Palma (1993), qu’il a réussi à totalement galvaniser l’immense salle. Les images de ce thriller inégalable, muettes sous l’orchestre, sont devenues ici plus fortes. Les mouvements fluides de la caméra, le montage parfait et la bande originale atmosphérique de ce compositeur caméléon se sont fondus admirablement créant une ambiance typique à la Bernard Herrmann revisitée par Pino Donaggio, pour coller au style musical qu’affectionne le réalisateur. Le score, accompagnant l’extrait de CENDRILLON (notre critique) dans lequel l’héroïne s’enfuit en citrouille passé minuit, fut également très réussi.
ALAN SILVESTRI, UN MAÎTRE DISCRET
Voici enfin le moment tant attendu. Après une courte pause afin de clore la cérémonie, le concert hommage à Alan Silvestri a débuté. Les premiers titres sélectionnés furent une ode à la filmographie de Robert Zemeckis : Pôle Express, Forrest Gump, Retour vers le Futur et The Walk. Pour ce dernier, biopic sur le funambule français Phillippe Petit, incarné par Joseph Gordon-Levitt, le chef d’orchestre a prêté la baguette au maestro, qui l’a dirigé en personne et pour la première fois sur une scène mondiale. On constate d’emblée que les partitions d’Alan Sivestri ont su magnifiquement incarner des univers différents, à l’image de l’œuvre de Zemeckis. De nombreux morceaux ont été proposés sous forme de suites musicales, permettant ainsi d’appréhender les divers contextes des histoires. Cet effort est à souligner car les scores joués furent totalement en phase avec l’orchestre symphonique.
Après une ouverture qui laissait présager l’amorce du thème principal de Retour vers le Futur, c’est en réalité celui du troisième volet qui a démarré, avec ses accents westerns. Une belle surprise ! Se sont enchaînés ensuite Predator de John McTiernan (1987) et Le Retour de la Momie de Stephen Sommers (2001). La filiation entre Silvestri et Goldsmith paraît évidente à l’écoute des titres. Dans le thème principal de Predator, l’orchestration sur scène est très différente de celle de l’album. Elle semble néanmoins avoir reçu la bénédiction du compositeur, qui a déclaré n’avoir jamais entendu un arrangement aussi fidèle à sa propre sensibilité. Silvestri est ensuite entré dans l’univers de Goldsmith pour le premier opus du Retour de la Momie, en livrant une composition tout aussi puissante, si ce n’est plus subtile. Il eut été sans doute intéressant de proposer également, au rayon iconique, le thème d’Avengers. Majestueux, fort et au style affirmé, il a en effet contribué à donner un panache supplémentaire à l’écurie Marvel.
L’orchestre a enregistré les répétitions en amont ; l’intégralité du concert est donc disponible en CD dans la version entendue sur scène. Seul The Walk et Grand Central pour L’Impasse manquent à l’appel. Cette très bonne initiative permet de nous replonger ainsi au cœur de cette belle soirée, pour mélomanes et cinéphiles, des World Soundtrack Awards.
PALMARÈS WSA 2015
COMPOSITEUR DE L’ANNÉE
- Michael Giacchino pour La Planète des Singes – les origines, Vice Versa, Jupiter Ascending, Jurassic World, Tomorrowland
MEILLEURE BANDE ORIGINALE
- Antonio Sanchez pour Birdman
MEILLEURE CHANSON POUR UN FILM
- The Apology Song de Gustavo Santaolalla et Paul Williams pour La Légende de Manolo
DÉCOUVERTE DE L’ANNÉE
- Antonio Sanchez, pour Birdman
CHOIX DU PUBLIC
- John Paesano pour Le Labyrinthe
MEILLEURE COMPOSITION ORIGINALE PAR UN JEUNE COMPOSITEUR
- Peer Kleinschmidt
PRIX SPÉCIAL POUR L’ENSEMBLE DE SA CARRIÈRE
- Patrick Doyle