Synopsis : L’histoire de Mary Mapes, journaliste primée de CBS et productrice de Dan Rather, l’un des plus célèbres journalistes et présentateurs de l’histoire de la télévision américaine, qui a dévoilé – entre autres scoops – le scandale de la prison d’Abou Ghraib.
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Robert Redford et Cate Blanchett dévoilent un duo que l’on imaginait d’emblée impressionnant. La statue du commandeur incarne à merveille Dan Rather, lequel constitue une sorte de personnage synthèse de l’un des grands combats de Redford, à savoir la responsabilité des élites américaines vis-à-vis de la démocratie et des valeurs qu’elle revendique à la face du monde. Quant à Cate Blanchett, elle donne une fois de plus un relief incroyable à un personnage de femme hors norme en trouvant un positionnement parfait. Car le risque était grand d’apparaître en passionaria de l’anti-bushisme trop vite satisfait de lui-même. Travail donc particulièrement soigné de James Vanderbilt, capable de passer – comme scénariste – de The Amazing Spider-Man, X-Men Origins : Wolverine à Zodiac et Truth. Ce thriller apporte une vaste réflexion sur les rapports entre l’univers des médias et du pouvoir, mais il exprime aussi une grande crainte devant l’évolution du métier de journaliste. Le monologue de Dan Rather au cours de la dernière conversation téléphonique avec Mary Mapes résume le cœur de cette problématique : l’information nécessaire à la santé et à l’existence même d’une démocratie devient une préoccupation secondaire des grands groupes de médias. Ces derniers s’affirment désormais prioritairement comme des organisations dédiées au divertissement. Le parti pris de sobriété dans la réalisation est visible dans les scènes. De la musique à la photographie en passant par des décors travaillés par le minimalisme, on voit l’intention ferme de nous river au déroulement de l’intrigue et au jeu des personnages. Tout se concentre dans l’intensité émotionnelle, structuré par une claire retenue dans les dialogues. Nulle envolée lyrique sur le rôle du cinquième pouvoir mais une démonstration implacable que quelque chose ne fonctionne pas dans le positionnement actuel des médias. Il en dérive un poids pesant sur les épaules du quatuor formé par Cate Blanchett, Robert Redford, Dennis Quaid (le lieutenant-colonel Roger Charles) et Topher Grace (Mike Smith).
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Ces quatre mousquetaires forment un carré efficace. Instantanément, on revoit Robert Redford dans Les Hommes du Président en 1976, portant à l’écran le livre de Bob Woodward et Carl Bernstein, les deux journalistes qui enquêtèrent sur le scandale du Watergate pour le Washington Post. Nul besoin d’insister sur la grande cohérence de « Bob » dans ses combats. Cate Blanchett résonne à la perfection avec Robert Redford et donne à son rôle de productrice une densité rare. Retenons d’ailleurs la scène devant la commission interne réunie par CBS. Elle y explicite avec une grande puissance l’un des enjeux clefs de l’histoire en montrant comment la télévision américaine a finalement noyé la recherche de la vérité sous la volonté de favoriser le divertissement, la protection contre les attaques juridiques et sa relation avec les politiques. Saluons par ailleurs la prestation de Stacy Keach, qui sait toujours occuper l’écran malgré les années ; il est très crédible dans le rôle de Bill Burkett, lieutenant-colonel las de l’armée américaine dont on peine à saisir les motivations. Instrumentalisé par les Démocrates ou obsédé par une revanche personnelle ? On ne sait le dire… À contrario, Elisabeth Moss (Lucy Scott) et David Lyons (Josh Howard) peinent à trouver leur place, comme s’ils hésitaient à prendre leur rôle à bras le corps. Bémol également sur le personnage d’Andrew Hayward (Bruce Greenwood), président de CBS News, qui aurait pu davantage être exploité.
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Toutes les questions sensibles, soulevées par la constitution d’une seule et même élite politico-culturelle, où se mêlent les gouvernants, les journalistes et les stars, sont évoquées subtilement. Et la mise en scène suggère clairement cet état de fait sans jamais insister trop lourdement ; l’effet est davantage percutant. La vertu pédagogique saute aussi aux yeux, à travers la difficulté d’administrer la preuve. C’est une vraie réflexion sur la déontologie journalistique et la pratique difficile de l’investigation. On y voit à l’œuvre ce que peut être un raisonnement honnête confronté à la nécessité d’aller plus loin que la cohérence intellectuelle. Elle ne doit laisser aucun doute sous peine de disparaître, non sous l’effet de l’éthique mais bien de la peur des répercussions judiciaires et d’audience. C’est ainsi un véritable plaisir de plonger pendant deux heures dans Truth pour réfléchir en compagnie de Redford, Blanchett et leurs acolytes…
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- TRUTH : LE PRIX DE LA VERITE (Truth) réalisé par James Vanderbilt en salles le 6 avril 2016.
- Avec : Cate Blanchett, Robert Redford, Topher Grace, Dennis Quaid, Elisabeth Moss, Bruce Greenwood, David Lyons, John Benjamin Hickey, Stacy Keach…
- Scénario : James Vanderbilt, d’après Truth and Duty de Mary Mapes
- Production : Brad Fischer, Doug Mankoff, Brett Ratner, William Sherak, Andrew Spaulding, James Vanderbilt
- Photographie : Mandy Walker
- Montage : Richard Francis-Bruce
- Décors : Fiona Crombie
- Costumes : Amanda Neale
- Musique : Brian Tyler
- Distribution : Warner Bros
- Durée : 2h06
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