Apprentice de Boo Junfeng : critique

Publié par CineChronicle le 31 mai 2016

Synopsis : Aiman officie dans une prison de haute sécurité. Rahim, le bourreau en chef, y accompagne les derniers jours des condamnés. Rapidement, il prend le jeune gardien sous son aile et lui apprend les ficelles du métier. Aiman s’avère être un exécutant très appliqué, mais sa conscience et ses véritables motivations le rattrapent peu à peu…

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Apprentice - affiche

Apprentice – affiche

Il est temps de (re)découvrir le cinéma singapourien. Apprentice, sélectionné dans la section Un Certain Regard du 69e Festival de Cannes, est le deuxième long métrage du jeune trentenaire Boo Junfeng. Réalisateur et scénariste, Boo a soigneusement fabriqué, en cinq ans, ce prisme moral permettant d’observer la face cachée de la ville-État. Si de nombreux cinéastes ont jeté leur regard sur les détenus, comme Frank Darabont (Les Evadés, La Ligne verte), Stuart Rosenberg (Brubaker) ou encore Jacques Audiard (Un prophète), le film de prison est devenu rapidement un genre à part entière. Boo décrit dans Apprentice le dilemme éthique d’un surveillant pénitentiaire sur la question de la peine de mort dans une prison placée au coeur des banlieues singapouriennes. Discipliné et taciturne, Aiman (Fir Rahman) quitte l’armée et rejoint la prison. On comprend pourquoi ce changement de trajectoire au moment où le réalisateur dévoile le secret du protagoniste. Ce personnage garde sa tempérance avant d’entrer en relation avec le bourreau en chef Rahim, impeccablement interprété par Wan Hanafi Su. À travers ce contact, Boo nous glisse subtilement un message culturel. Comme Aiman, Rahim a l’habitude de s’adresser à ses collègues en anglais alors qu’entre eux, c’est le malais qui est utilisé. En réalité, dans ce pays qui compte quatre langues officielles en raison de la diversité ethnique, l’anglais reste le plus courant. Le pays a connu une forte montée en puissance au cours des cinquante dernières années. Or, avec le pragmatisme économique et les politiques d’immigration du gouvernement, la population, issue d’une culture malaise, se retrouve souvent marginalisée, voir délaissée. C’est la raison pour laquelle Aiman et Rahim peuvent se rapprocher facilement dans cette institution remplie d’officiers singapouriens chinois. Le chef commence dès lors à transmettre ses connaissances du métier à son apprenti. Il lui apprend l’importance du courage pour exécuter la pendaison, car « un bon exécutant ne se pose pas de questions », comme l’indique la tagline de l’affiche.

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Apprentice de Boo Junfeng

Apprentice de Boo Junfeng

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La mise en scène de Boo est chargée de tension, à l’instar de cette scène où notre duo, d’une alchimie incroyable, se trouve dans le bureau de Rahim, assis, le front trempé de sueur, la figure voilée par la fumée de cigarette. L’atmosphère est à la fois intime et étrange. Les images absorbent notre attention. Ici, un « jeu de Tai-chi » règne et nos interrogations se multiplient à l’envi : pourquoi veut-il qu’Aiman devienne un bourreau ? Que ressent un exécutant en faisant ce travail ? Comment Rahim a-t-il pu faire ce métier pendant trente ans ?… Les réponses se dévoilent au fur et à mesure du récit. Durant la longue et lourde introspection d’Aiman, la collaboration entre Boo Junfeng et Benoît Soler, son directeur de la photographie, est optimale. Tous deux parviennent à provoquer un sentiment vif et troublant : les gros plans sont délicatement cadrés, l’alternance des champs-contrechamps est maîtrisée, les séquences en vue subjective s’enchaînent et l’approche visuelle se veut quasi documentaire. Boo Junfeng atteint ainsi son objectif de repousser les limites. Car au Singapour, où la législation pénalise ceux qui mâchent un chewing-gum en place publique, le cinéma commence à élever les débats sur des sujets sensibles, comme cet épatant Apprentice.

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Wei Lan

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  • APPRENTICE écrit et réalisé par Boo Junfeng en salles le 1er juin 2016.
  • Avec : Fir Rahman, Wan Hanafi Su, Ahmad Mastura, Boon Pin Koh, Nickson Cheng, Crispian Chan, Gerald Chew…
  • Production : Raymond Phathanavirangoon, Fran Borgia, Tan Fong Cheng
  • Photographie : Benoît Soler
  • Montage : Natalie Soh, Lee Chatametikool
  • Décors : James Page
  • Costumes : Meredith Lee
  • Musique : Alexander Zekke
  • Distribution : Version Originale / Condor
  • Durée : 1h36

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