Le Brexit pourrait avoir d’importantes conséquences sur l’industrie cinématographique et télévisuelle anglaise. Dans la presse et sur les réseaux sociaux, les artistes britanniques expriment leurs craintes et leurs frustrations après le référendum du 23 juin.
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Après la décision des Britanniques de quitter l’Union Européenne, beaucoup s’inquiètent de l’avenir de l’industrie du spectacle outre-Manche. Ce changement est d’abord susceptible de mettre un terme à l’aide financière venue d’Europe.
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Selon Variety, si jusque-là le programme MEDIA, géré par la Commission européenne, avait soutenu la production de nombreux films anglais, désormais rien n’est sûr. Le magazine américain rappelle, à titre d’exemple, qu’en 2014 et 2015, plus de 80 films, venus d’Angleterre, avaient reçu 40 millions d’euros pour assurer leur distribution dans les salles. Autre illustration, MOI DANIEL BLAKE (notre critique) de Ken Loach, Palme d’Or lors du 69e Festival de Cannes, largement financé par le fond en question. Ces dernières années, Sixteen Films, la société de production du cinéaste, aurait en effet reçu 172 828 euros, une somme ayant permis l’aboutissement de quatre projets.
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Selon un sondage publié fin mai par Design Week, 96 % de la création anglaise souhaitaient rester dans l’Union Européenne. Plusieurs artistes anglais avaient même publié une lettre ouverte dans le Telegraph, pour exprimer leur sentiment profond. Ainsi, Benedict Cumberbatch, Keira Knightley ou encore Chiwetel Ejiofor expliquent : « Beaucoup d’entre nous ont travaillé sur des projets qui n’auraient pas vu le jour sans les fonds européens ou les collaborations inter-frontalières. La Grande Bretagne n’est pas seulement plus forte dans l’UE, elle est plus imaginative et créative. Notre succès à tous sera gravement affaibli par la sortie de l’Europe »
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Un avis relayé aujourd’hui dans les colonnes de The Hollywood Reporter par Michael Ryan, président de l’Independent Film and Television Alliance : « La décision de quitter l’UE est un coup majeur porté à l’industrie du film et de la télévision en Angleterre. À partir d’aujourd’hui, nous ne savons pas comment nos relations avec les coproducteurs, financiers et distributeurs fonctionneront, si de nouvelles taxes toucheront notre travail dans le reste de l’Europe. (…) Le secteur créatif anglais a été un fort contributeur à l’économie anglaise, ceci pourrait être dévastateur pour nous tous ».
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QUID DEÂ GAME OF THRONES &Â CONSORTS
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L’avenir est donc plus que jamais incertain et les fans se sont rapidement interrogés. Il en est ainsi du public de GAME OF THRONES. La série, tirée de la saga de George R. R. Martin, porte-étendard de HBO, se tourne en effet en Irlande du Nord. Après l’annonce du Brexit, certains analystes avaient prédit que la chaîne n’aurait pas les moyens de produire les deux dernières saisons du show. Interviewé par Entertainment Weekly, les responsables ont tenu a les rassurer : « Contrairement à ce que prédisent certains rapports, nous n’envisageons pas que le Brexit ait un impact sur les finances de GOT ».
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Mais les problèmes ne s’arrêtent pas à des histoires d’argent. Même si comme le souligne avec humour le comédien et humoriste Ricky Gervais sur Twitter, « Je viens juste de racheter les livres sterling que j’avais converties hier en dollars. Je suis millionnaire ! À quelque chose malheur est bon ». Variety rappelle également que les visas et permis de travail des équipes anglaises de tournage, qui souhaiteraient travailler en Europe, seront également problématiques. Et vice versa. Pour transiter entre les pays, des « marchandises » telles que les caméras ou les costumes, pourraient en effet avoir désormais besoin d’autorisations douanières spéciales. Ce qui ne peut que compliquer le processus de création.
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Autre sujet d’inquiétude, les quotas télévisuels. Afin de préserver la diversité culturelle et de soutenir l’industrie européenne de programmes audiovisuels, la loi impose aux chaînes, des quotas de diffusion d’Å“uvres audiovisuelles venue de l’Union Européenne. Si les séries britanniques ne correspondent plus à cette catégorie, on peut penser qu’elle séduiront moins les responsables des programmes du vieux continent.
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Mais ce changement politique peut aussi avoir quelques conséquences positives. La dévaluation de la livre face au dollar et à l’euro, peut à moyen terme, permettre aux productions européennes et américaines de partir tourner au Royaume Uni à moindre frais, ce qui peut permettre de faire travailler plusieurs industries locales (restauration, logement, etc). Envers du décor, cette baisse du cours de la monnaie peut aussi être une mauvaise nouvelle pour les distributeurs britanniques. Une livre faible rend l’acquisition de films étrangers particulièrement coûteuse, dans la mesure où la plupart des achats se font en dollars ou en euros.
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D’un autre coté, les films et série anglaises ne seront plus limités par les règles de l’UE régissant les aides de l’État. Le gouvernement britannique pourrait donc être tenté de créer des avantages plus intéressants que ceux des autres pays européens pour les équipes désireuses de travailler dans le pays.
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LA COLÈRE DES ARTISTES
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Le monde du cinéma et de la télévision n’est pas le seul à ne pas digérer le résultat du référendum du 23 juin. Ce week-end du 25 juin sur Twitter, chanteurs, écrivains et artistes britanniques expriment leur déception. Alex Kapranos, le chanteur du groupe écossais Franz Ferdinand, déclare ainsi : « D’accord. Je me casse. Je me casse d’ici. Quel jour sombre. Je ne vois pas l’interêt de me vautrer dans cette merde ». Geoff Barrow, le guitariste de Portishead renchérit : « Bien joué, bande de connards ». Liam Gallagher, ancien chanteur d’Oasis, conclut quant à lui : « Arrêtez le monde, je descends ».
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J.K. Rowling, auteure de la saga Harry Potter, se déclare de son côté « fière de faire partie de l’indécente minorité (qui voulait rester dans l’Europe) ». Alex Taylor, animateur et journaliste francophile expatrié dans l’Hexagone, publie un extrait d’une interview diffusée sur BFM où il apparaît les larmes aux yeux. « C’est un drame pour l’Europe. C’est un drame pour mon pays, c’est un drame pour moi. (…) Ce sont les pauvres qui vont casquer, ils se sont faits avoir. Ils vont casquer maintenant pour cette décision, à mon avis désastreuse pour mon pays. Vous parlez tous du Royaume-Uni. Le Royaume-Uni n’existe plus. Dans quelques heures, l’Ecosse va se barrer et ils auront raison » explique-t-il avant de conclure « Battez-vous parce que l’Europe ça vaut la peine d’être défendu ».
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Toutes ces conséquences du Brexit ne sont encore que pure spéculation. Reste que nous pénétrons dans une période d’incertitude, ce qui en soi peut jouer en défaveur d’une industrie qui, par nature, se doit de programmer des années en avance le moindre de ses projets.
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Right. I’m off. Off here. What a grim grim day. No point wallowing in the shit.
— alex kapranos (@alkapranos) 24 juin 2016
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Well done you fuking idiots.
— Geoff Barrow (@jetfury) 24 juin 2016
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Proud to be part of #TheIndecentMinority https://t.co/wb91hJm1n8
— J.K. Rowling (@jk_rowling) 24 juin 2016