Synopsis : Afin de lui rendre hommage, un producteur de Hollywood propose à Chet Baker, le légendaire trompettiste de jazz des années 1960, de tenir le premier rôle dans un long métrage consacré à sa vie. Pendant le tournage, Chet tombe éperdument amoureux de Jane, sa partenaire afro-américaine. Malheureusement, la production est arrêtée le jour où, sur un parking, Chet est passé à tabac. Anéanti, les mâchoires fracassées, l’artiste se replie sur lui-même, et son passé ravive ses démons. Jane réussit néanmoins à le convaincre d’aller de l’avant, de rester sobre et, grâce à la musique, de regagner la reconnaissance de ses pairs.
♥♥♥♥♥
Born to be blue, premier long métrage de Robert Budreau, s’avère être un biopic des plus réussis, à l’instar de Miles Ahead, qui fut présenté en avant-première au dernier Festival de Deauville. Si Miles Davis avait tout du flambeur arrogant, Chet Baker est quant à lui une âme écorchée et malade qui invite logiquement à la plus grande compassion. L’atmosphère enivrante et hallucinée du film porte ainsi les stigmates et autres fêlures d’un personnage habité par ses deux passions, ô combien destructrices, que sont les femmes et son art de trompettiste. Évidemment, la drogue – Baker étant accro à l’héroïne – est le catalyseur de ses plus grands malheurs comme de ses plus belles réussites. C’est le contraste permanent, cette dualité entre ombre et lumière, qui fait de Baker un héros de cinéma à part entière, et peut-être plus. Porté par un (toujours) excellent Ethan Hawke, il est l’artiste par excellence entièrement dévolu à son art. Bien que doté d’une voix suave et d’une extrême sensibilité, la part d’ombre de Baker, son côté artiste mégalo et égoïste, l’isole encore davantage de ses proches (sa femme, son père, son ami). Au-delà de l’ode magnifique sur le rapport suicidaire qu’entretiennent l’art et l’artiste, Budreau trouve également un astucieux moyen de raconter l’histoire de Baker à partir de son comeback dans les années 1970. C’est par une mise en abyme cinématographique – Baker tourne un film en noir et blanc sur sa propre histoire – que ses principaux démons ressurgissent (la drogue, les femmes, sa rivalité avec Miles Davis, le fait d’être le seul blanc trompettiste de l’époque…). Sa trajectoire est ainsi symptomatique du caractère tragique de sa destinée. Budreau ne s’attarde ainsi jamais sur l’apogée artistique de son héros. Le film ne présente qu’une lente plongée en enfer, une longue chute qui ne s’arrêtera finalement jamais. Et alors que l’on pensait sa rencontre avec Jane (Carmen Ejogo), précurseur d’une seconde jeunesse, ce besoin maladif de jouer, et de bien jouer pour retrouver cette gloire d’antan qui lui échappe, réduit à néant ces premières intentions de rédemption. Avec Born to be blue – titre d’une chanson que jouait le père de Baker à son fils – Budreau signe un biopic qui dans son apparent académisme formel et scénaristique vire peu à peu à la grande tragédie, celle qui vît la grandeur du héros comme une impossible énigme à résoudre, pour lui-même et pour les autres.
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- BORN TO BE BLUE écrit et réalisé par Robert Budreau en salles le 11 janvier 2017.
- Avec : Ethan Hawke, Carmen Ejogo, Callum Keith Rennie, Joe Cobden, Stephen McHattie, Janet-Laine Green, Tony Nappo, Charles Officer…
- Production : Jennifer Jonas, Leonard Farlinger, Jake Seal, Robert Budreau
- Photographie : Steve Cosens
- Montage : David Freeman
- Décors : Aidan Leroux
- Musique : David Braid, Todor Kobakov, Steve London
- Distribution : Kinovista
- Durée : 1h37
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