Synopsis : L’agent fédéral Bob Mazur a pour mission d’infiltrer le cartel de drogue de Pablo Escobar. Son but : faire tomber 85 barons et une banque internationale. Son plan : s’inventer un passé, une identité, une fiancée. Son risque : le moindre faux pas lui serait fatal.
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La 42ème édition du Festival de Deauville a démarré sa programmation américaine ce 2 septembre, avec en ouverture Infiltrator. En l’espace de deux longs métrages, Brad Furman a montré deux visages bien différents, étonnant avec La défense Lincoln (2011) puis décevant avec Players (2013). Infiltrator se situe entre les deux. Inspiré de l’autobiographie de Robert Mazur, ce biopic/thriller, dont le scénario est écrit par Ellen Brown Furman – mère du réalisateur – raconte comment dans les années 80, cet agent de la DEA, incarné par Bryan Cranston, a démantelé le système de blanchiment d’argent alimentant l’empire de Pablo Escobar, le célèbre narco-trafiquant colombien. Ce qui dérange surtout dans Infiltrator, c’est la paresse de Brad Furman à ne rien vouloir secouer de ces structures archétypales, pourtant largement rebattus. Ce film rejoue ainsi la partition à la Soderbergh du filtre de couleur façon Traffic (2000) sans s’inspirer par ailleurs du sous-estimé The Informant ! (2009) dont le sujet le rapproche tout autant. Furman semble préférer les univers « claustro » d’un De Palma (L’impasse) et les familles anxiogènes d’un Gray (La nuit nous appartient, The Yards). Mais là encore, Infiltrator a beau ressortir l’artillerie lourde, comme le John Leguizamo de L’impasse, le Benjamin Bratt de Traffic et les fameuses scènes de l’infiltré sur le point d’être découvert, le déroulement narratif est rarement à la hauteur des scènes qu’ils évoquent. Il y a comme un trop plein de paresse, voire de mollesse.
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Un problème qui vient principalement de son omniprésente star, Bryan Cranston, l’un des nouveaux princes du biopic à Hollywood après DALTON TRUMBO (notre critique) ou encore ALL THE WAY, téléfilm HBO dans lequel il interprète Lyndon B. Johnson. Dès les premières minutes, où on le découvre en train de regarder ses deux enfants endormis à travers les portes de leur chambre, c’est la figure paternelle qui s’invite dans le personnage de Robert Mazur ; celle héritée de la série Malcolm, puis bien que « transformée », celle de Breaking Bad. D’une intégrité à toute épreuve (drogue, striptease, etc.), Cranston est un ange parmi les démons, personnifiés par les banquiers arabes (Said Taghmaoui) et les dealers mexicains. Tenter alors de lui donner une humanité apparaît comme une véritable maladresse, comme sa bromance ridicule avec Roberto Alcaino (Benjamin Bratt). Il eut été sans doute préférable de le montrer plus hésitant, tenu en respect devant des criminels aux valeurs restées profondément humaines ou presque torturé par la responsabilité de ses actions. Mais il n’en est rien. Mazur en devient bien moins intéressant que la caricature lui servant de coéquipier (John Leguizamo) mais qui a le mérite de « jouer » la carte à fond, quitte à se mettre dans des situations véritablement insoutenables (cf. la bonne scène où son indic le balance devant tout le monde).
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Infiltrator souffre donc des maux de beaucoup de biopics récents. La nécessité d’idéalisation et donc par voie de conséquence, d’élimination des zones d’ombre, nuit à l’écriture du personnage qui se révèle beaucoup moins passionnant. Reste alors les personnages secondaires, mais leur sous-traitement (quid de Pablo Escobar et de ses principaux acolytes ?) et la qualité de certains dialogues, comme ceux de Diane Kruger, n’aident pas vraiment à élever l’intérêt du film. L’argument de l’intrigue, cousue de fil blanc, apparaît également bien mince. Et si la mise en scène fonctionnelle de Furman illustre parfaitement les rapports de forces, elle s’arrête au basique champ-contrechamp et à des échanges de regard assis lors d’une tablée. Aucun mouvement ni aucune dynamique interne au plan ne viennent faire « exploser » un thriller qui sent hélas trop le réchauffé.
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Antoine Gaudé
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- INFILTRATOR de Brad Furman en salles le 7 septembre 2016.
- Avec : Bryan Cranston, Diane Kruger, John Leguizamo, Benjamin Bratt, Yul Vazquez, Amy Ryan, Joseph Gilgun, Juliet Aubrey…
- Scénario : Ellen Brown Furman d’après l’œuvre de Robert Mazur
- Production : Miriam Segal, Paul M/ Brennan, Brad Furman, Don Sikorski
- Photographie : Joshua Reis
- Montage : David Rosenbloom, Luis Carballar, Jeff McEvoy
- Décors : Crispian Sallis
- Costumes : Dinah Collin
- Musique : Chris Hajian
- Distribution : ARP Selection
- Durée : 2h07
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