Hedi de Mohamed Ben Attia : critique

Publié par Philippe Descottes le 26 décembre 2016

Synopsis : Kairouan en Tunisie, peu après le printemps arabe. Hedi est un jeune homme sage et réservé. Passionné de dessin, il travaille sans enthousiasme comme commercial.Bien que son pays soit en pleine mutation, il reste soumis aux conventions sociales et laisse sa famille prendre les décisions à sa place. Alors que sa mère prépare activement son mariage, son patron l’envoie à Mahdia à la recherche de nouveaux clients. Hedi y rencontre Rim, animatrice dans un hôtel local, femme indépendante dont la liberté le séduit. Pour la première fois, il est tenté de prendre sa vie en main.

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Hedi - affiche

Hedi – affiche

Dans le premier plan, Hedi noue sa cravate. Un accessoire vestimentaire imposé par les conventions de son métier de commercial ou d’une cérémonie de mariage. Dans les deux cas, il accepte, résigné, cette corde au cou. Que sa mère étouffante décide et organise son mariage, comme elle l’a toujours fait pour sa vie, cette fois avec l’aide d’Ahmed, le frère aîné, ou que son patron lui refuse des jours de congés pour l’occasion en raison des impératifs du travail, il encaisse tout et se réfugie dans le dessin. Calme et serein (le sens du mot « hedi »), cet homme l’est en apparence. Introverti, ses croquis traduisent un malaise, une souffrance intérieure. Jusqu’au jour où il fait la connaissance de Rim, une rencontre qui l’amène à réagir et prendre conscience qu’il peut s’émanciper. À l’écran, son visage juvénile, fermé, se transforme. Il affiche désormais ses émotions, rit et pleure. Il (re)vit, mais se voit gagner par le doute. Si ses interrogations sont universelles, ce premier long métrage de de Mohamed Ben Attia dresse d’abord le portrait d’une jeunesse tunisienne, quelques années après la Révolution de Jasmin. Elle veut aller de l’avant, néanmoins, dans un contexte socio-économique difficile, elle cherche sa voie, prise entre traditions et modernité. Si Hedi se voit offrir l’opportunité de prendre sa vie en main, d’avoir un projet – celui de devenir dessinateur de bandes dessinées – et non plus des rêves, il n’en va pas de même pour Khedija, sa fiancée. La jeune femme ne semble avoir aucune possibilité d’échapper au poids des coutumes et de la religion, elle doit se marier et fonder une famille. Rim a choisi la liberté, cependant, compte tenu de la crise économique, celle-ci a un prix. Comme il y a de moins en moins de travail, à l’hôtel de Mahdia, la direction invite les employés à prendre des vacances car ils seront bientôt plus nombreux que les touristes, et pour Rim, c’est l’obligation de se déplacer en permanence à l’étranger. Hedi, avec ou sans Khedija pour épouse, fait face à des choix : continue de vivoter comme commercial dans des secteurs où les clients et prospects n’ont plus d’argent, occuper le poste que sa mère lui a obtenu par piston ou bien suivre le chemin de son frère, lequel, a choisi de s’expatrier en France. Tout en appréciant la qualité de l’interprétation de Majd Mastoura (Hedi), à laquelle il faut associer celle de Rym Ben Messaoud (Rim), radieuse, énergique mais aussi fragile, l’une des grandes qualités de ce drame social est d’éviter tout manichéisme. Mohamed Ben Attia ne juge pas ses personnages et les met sur le même pied d’égalité, y compris la mère qui a des côtés attachants. La mise en scène, sobre, évoque par moments des films des frères Dardenne (lesquels sont d’ailleurs coproducteurs du film). À l’instar de Rosetta ou Le Fils, le réalisateur cadre ainsi en plans serrés Hedi (ou Hedi et Rim lorsqu’ils sont ensemble) et ne le(s) lâche(nt) pas. Découvert et primé à Berlin cette année (Prix de la Meilleure Première Å’uvre et Ours d’Argent du Meilleur Acteur), Hedi, un vent de liberté a poursuivi depuis sa carrière dans de nombreux festivals et remporté plusieurs prix mérités.

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  • HEDI UN VENT DE LIBERTE (Nhebek Hedi) écrit et réalisé par Mohamed Ben Attia en salles le 28 décembre 2016.
  • Avec : Majd Mastoura, Rym Ben Messaoud, Sabah Bouzouita, Hakim Boumessaoudi, Omnia Ben Ghali, Arwa Ben Smail…
  • Production : Dora Bouchoucha Fourrait
  • Coproduction : Jean-Pierre et Luc Dardenne, Nadim Cheikhrouha
  • Photographie : Frédéric Noirhomme
  • Son : Faouzi Thabet
  • Montage : Azza Chaabouni, Ghalya Lacroix, Hafedh Laaridhi
  • Décors : Mohamed Denguezli
  • Musique : Omar Aloulou
  • Costume : Nedra Gribaa
  • Distribution : Bac Films
  • Durée : 1h33

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